Vigilance Isère Antifasciste

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A Aix-en-Provence, procès d'une "battue aux immigrés"

Comment peut-on nier la motivation raciste de cette ratonnade sauvage, qui s'était déroulée en décembre 2011, dans les environs de Salon de Provence ?

On peut aussi se demander si les discours du Front National ou d'autres groupes d'extrême-droite n'ont pas influencé les auteurs.

En tout cas, cela ressemble beaucoup à ce quoi à rêvent certains groupes ( par ex,  "les Jeunesses Nationalistes" de Gabriac - voir ici et ici ) : importer en France les méthodes ultra-violentes des néonazis grecs d'Aube Dorée qui se livrent à la chasse à l'immigré et à tout ce qui leur paraît non-conforme.

Voir aussi Le Parisien, 18 mars 2013 :  Strasbourg: un militant "identitaire" aux assises pour des incendies racistes

 

LIBERATION, 18 mars 2013 :

Une «battue aux clandos» sans mobile raciste ?

Récit -  Le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence juge ce lundi après-midi une soirée de violences contre des saisonniers clandestins à côté de Salon-de-Provence. Malgré des témoignages et des textos sans ambiguïté, la justice n'a pour l'instant pas retenu les motivations racistes.

Par OLIVIER BERTRAND Correspondant à Marseille

C'était le 20 décembre 2011. Sept hommes avaient fait une descente dans un cabanon agricole, dans des champs situés entre Berre-l'Etang et Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône). Cinq clandestins dormaient là. Se faisant passer pour des policiers, les agresseurs leur avaient ordonné d'ouvrir, avant de les frapper, de leur tirer dessus à coup de gomm-cogne. Arrêtés quelques jours après les faits, ils affirment être venus se venger de cambriolages et de dégradations alors que des textos échangés ainsi que quelques témoignages évoquent plutôt une ratonnade. Le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence les juge cependant ce lundi après-midi sans que les motivations racistes aient été pour l’instant retenues.

 

«C'est la police, sors»

La nuit est tombée depuis un moment, ce 20 décembre, lorsque les sept hommes s'approchent du cabanon. Situé dans le hameau des Baisses, près de Salon, il sert de «gourbi» à des clandestins, lorsqu'il fait trop froid pour dormir dans les serres voisines. On se trouve dans une zone de maraîchage et des agriculteurs du coin font appel régulièrement à des saisonniers, parfois clandestins. Les sept hommes sont vêtus de treillis, ils portent des ceintures de chasse avec cartouchières, certains sont encagoulés. L'un d'eux frappe à la porte : «C'est la police, sors.»

A l'intérieur, la plupart des occupants sont sans papiers. L'un d'eux, Samir (28 ans), a même reçu dans l'après-midi une visite des (vrais) gendarmes, qui lui ont laissé une obligation de quitter le territoire (OQTF). Ils ne connaissent pas le droit, pensent que l'on vient les chercher en pleine nuit pour les reconduire chez eux.

Samir se lève, prend le papier de son OQTF et vient ouvrir la porte. Il est alors aspergé de gaz, tombe à terre, est frappé à coup de crosse. Deux de ses compagnons parviennent à s'enfuir dans la nuit, pendant que trois des agresseurs entrent dans le cabanon. Ils ont deux fusils de chasse, une arme de paint-ball, une matraque téléscopique. Les clandestins sont roués de coups de pied et de poing puis traînés dehors. Ils sont mis à genoux et l'un des agresseurs met un coup de rangers à un clandestin pour l'allonger au sol. Samir essaie de s’enfuir à son tour, ils lui tirent dans le dos à cinq reprises avec des cartouches gomm-cogne. Puis repartent en courant dans la nuit.

 

Aucune plainte déposée

Trois jours plus tard, un copain des clandestins, absent au moment des faits, rentre et découvre Samir enroulé dans une couverture, le corps couvert de traces de coups. Il prévient les gendarmes, qui se déplacent et entendent l'homme, «traumatisé». L'enquête sera assez simple. Pendant l'agression, les clandestins ont entendu deux prénoms «Alain» et «Alex». Ils expliquent aussi aux gendarmes qu'ils ont plusieurs fois croisé des hommes en treillis qui les regardaient de travers lorsqu'ils allaient acheter des cigarettes et des cartes de téléphone au café des Baïsses. Les enquêteurs retrouve rapidement Alexandre, le fils d'un maraîcher voisin chez qui travaillent parfois les clandestins. Absent ce soir-là, il balance les autres.

Ils ont entre 20 et 28 ans, sont employé agricole, maçon, préparateur de commande, commerçant ou sans emploi. Et tous, en garde-à-vue, disent qu'ils voulaient se venger de méfaits commis par les clandestins. Pourtant, dans le détail, certains parlent de cambriolages, d'autres de tentatives, de dégradations, d'une histoire où on aurait «touché les fesses d'une fille». Surtout, aucune plainte n'a jamais été déposée visant l'une des victimes. Le patron du bar où se croisaient agresseurs et clandestins dira de son côté : «Les étrangers irréguliers sont sur le secteur des Baïsses depuis de nombreuses années. Avec ces personnes, nous n’avons jamais eu de problème. Par contre depuis environ deux ans, il y a eu une arrivé d’individus issus de l'île de Lampedusa. Ces individus sont totalement différents, ils sont violents, ils boivent de l’alcool qu’il achètent dans les grandes surfaces. (...) De plus, ils commettent des petits larcins, voire des plus gros comme des cambriolages. (...) lls fument le shit. ll y a environ trois semaines, des cambriolages ont été commis dans le secteur. (...) C’est peut être là, l’origine de cette expédition punitive.»


«Qu’ils retournent chez eux»

Interrogés par les gendarmes, les agresseurs ont nié tout mobile raciste. Pourtant racontant l'agression, Sébastien (18 ans, vendeur dans le magasin de fruits et légumes de ses parents) précisait : «lls ont été installés dehors, l'un était tenu en joue par mon frère avec son fusil et le second par Nicolas avec son paint-ball. C’est à ce moment qu’on a commencé à leur crier dessus en leur disant qu’ils n’avaient rien à faire ici, qu’ils fallaient qu’ils partent, qu’ils retournent chez eux

Les enquêteurs ont aussi réuni des témoignages et des textos qui semblent accréditer l'idée d'une ratonnade. Le meilleur copain de deux des participants leur a raconté que cinq jours avant les faits, ils s'étaient réunis au café, et l'un de ses potes lui avait confié : «On a préparé des cartouches de gros sel, on va faire la battue aux clandos.» Ensuite, dans les portables de plusieurs des sept hommes, les pandores ont retrouvé les traces de cette préparation.

Ainsi le 20 décembre, Fabien (25 ans, paysagiste sans emploi) bat le rappel. A l'un de ses copains, il envoie ce SMS :

A un autre, il écrit : «Poulet c bon pour toi ce soir on fai la mission on a acheté Tou si qui Fo». Mais son interlocuteur ne peut pas venir, il a une embrouille avec sa copine. «Sa va Tinkiete» lui écrit Fabien. Puis l'autre lui répond : «Pren en un pour moi et ramene une dent lol».

Plus tard, à partir de 23h14, moins d'une heure après l'agression, Fabien lui fait ce récit de la descente et ils ont cet échange :

Devant les gendarmes, Ricardo, le copain qui voulait une dent, balancera ses copains : «(Ils) se vantaient d’avoir fait une ratonnade aux Baïsses.» 

Et trois mois plus tôt, une première descente avait eu lieu, sans violence cette fois. Aurélien et Fabien, deux des participants à l'agression de décembre avaient alors échangé ce texto :

Interrogé par les gendarmes, Fabien relativisait ainsi : «Ils auraient été portugais, j'aurais écrit on va aux Portugais»...

Déjà en septembre, les auteurs parlaient de vengeance, mais aucune plainte n'avait été déposée. L'un des participants aux deux expéditions reconnait qu'il ne connaissait aucun des hommes qu'ils sont allés voir. Il semble qu'il voulaient se venger sur des Maghrébins de faits commis par des Maghrébins. Ce qui ressemble assez à des motivations racistes ? Mais cela n'a pas semblé flagrant au parquet d'Aix.

Sur la foi du rapport oral fait par les gendarmes, le substitut de permanence à l'issue de la garde-à-vue avait décidé d'une «simple» convocation par officier de police judiciaire (COPJ). Une procédure utilisée d'ordinaire pour des faits moins graves. Surtout, le magistrat avait visé deux circonstances aggravantes aux violences : en réunion et avec usage ou menace d'une arme. Mais sans retenir des violences «en raison de l'appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion». 

Les avocats des trois Tunisiens, Olivier Lantelme, Laurent Bartholomeï et Clément Dalençon, ont tenté, en vain, de faire requalifier les faits. «La motivation raciste de l’agression poursuivie ne parait pas aussi clairement établie que vous le laissez supposer dans vos courriers et elle n’a pas été retenue au vu tant des déclarations des victimes que des explications fournies par les mis en cause sur le motif des violences exercées», leur a répondu la procureure d'Aix-en-Provence, Dominique Moyal, le 18 octobre 2012.

Les avocats devraient reformuler la requête ce lundi après-midi, afin qu'un juge puisse dire si, oui ou non, ces violences étaient racistes.



18/03/2013

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