Vigilance Isère Antifasciste

Vigilance Isère Antifasciste

Au sein des réseaux Poutine, l'extrême-droite ( dans "La France russe", de Nicolas Hénin)

 En mars 2016, à l'invitation  du mouvement catho-néofasciste CIVITAS, toute une large frange de l'extrême-droite se rassemblait. Au prétexte de parler "géopolitique", "immigration", "terrorisme",  il s' est surtout agit de brandir des épouvantails racistes, complotistes aussi, et, en affichant un "anti-impérialisme" complètement dévoyé consistant à soutenir les régimes contre les peuples,  et à  tresser des louanges au régime nationaliste-autoritaire de Poutine. Pour notre extrême-droite française  et qui se dit "patriote", il s'agit aussi de proposer ses services au clan Poutine, en s'en faisant des propagateurs zélés et en insufflant  toutes les confusions possibles dans les esprits.

Dans cette réunion, on a employé aussi des formules  telles que "Eurasie" ou "Europe boréale" : des expressions à peine codées qui désignent le vieux rêve qui anime tous ces néofascistes, celui d'une "Europe blanche", les nazis parlaient, eux, d'une "Europe aryenne"...

 

Résultat de recherche d'images pour "nicolas hénin""La France russe- Enquête sur les réseaux Poutine"  est paru en mai 2016. Son auteur, Nicolas HENIN, grand reporter, fait partie de ces journalistes authentiques , et qui "mouillent leur chemise". Il a été otage de Daesh en Syrie, de juin 2013 à avril 2014.

 

On ne sera pas surpris : la fachosphère le déteste.

Ci-dessous, l'introduction du livre-enquête de N. Hénin :  le journaliste y rend compte de cette réunion organisée par Civitas .

 

Même si pour notre part, nous aurions tourné quelques unes des  phrases de façon différente, ou apporté d'autres précisions, ces premières pages de Nicolas Hénin sont instructives.

Instructif aussi le reste du livre : par ex, tout un chapitre est consacré aux relations très suivies,  aux échanges de service, entre le Front National et des membres du clan Poutine , et connus pour leur affairisme mafieux, notamment Konstantin Malofeev.

On "appréciera" aussi, par exemple, cette confidence de l'ambassadeur de Russie en France, Alexandre Orlov : son "livre  de chevet", pour comprendre la France, explique-t-il,  est "Le suicide français", d'Eric Zemmour...

 

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On se croirait à une kermesse des droites radicales européennes. Ils se sont retrouvés dans cette salle des fêtes en sous-sol du quartier Grenelle, dans le XVème arrondissement de Paris. C'est la salle que loue chaque année le FN, au moment de l'épiphanie, pour y manger la galette des rois. Ce mardi 19 mars 2016, c'est l'organisation catholique intégriste qui organise un grand raout. Les quelques trois cents chaises sont prises d'assaut. Un panonceau "complet"  est vite apposé sur la porte. Le gratin de l'extrême-droite identitaire joue à guichets fermés.  des élus locaux du FN s'émerveillent :"On a l'habitude de voir toujours un peu les mêmes têtes dans les meetings d'Ile-de-France, mais là, il y a plein de gens qu'on ne connaît pas !" Le service d'ordre, en gilet fluo, joue les gros bras. on surprend une conversation : "Tu comprends, quand il y aura l'affrontement, il faudra qu'on ait le bagage intellectuel ..."

 

Résultat de recherche d'images pour "Nicolas Hénin france russe"Des stands vendent  livres,revues et goodies en rapport avec l'évènement. Les drapeaux mélangent la fleur de lys et la croix celtique. On trouve de t-shirts noirs affichant fièrement "certified  pure goy". Le président de Civitas, le Belge Alain Escada (1), accueille les participants en affichant la couleur : " Si vous ne croyez pas ce que vous disent les médias du système, si vous n'écoutez plus la télévision ni la radio, si vous avez cessé depuis longtemps de lire les journaux mainstrean, vous êtes au bon endroit ! Si par contre vous êtes habitués au au prêt-à-penser de David Pujadas (la salle ricane), il y a fort à penser que le colloque d'aujourd'hui va vous remuer."  Une dizaine d'orateurs sont invités à s'exprimer sur le thème "De la guerre au Proche-Orient et à l'immigration et au terrorisme en Europe".

Alexander Marchenko, diplomate en poste à l'ambassade russe à Paris, figure au programme mais s'est excusé.

 

L'ancien eurodéputé Roberto Fiore prend la parole. Fan de Mussolini (il se définit comme un fasciste, abhorrant dans le même élan le communisme te la démocratie), il revient sur sa source d'inspiration : "On est allés en Russie, explique-t-il, parce que nous avons compris qu'en Russie, avec la Russie de Poutine, il se passe quelque chose de nouveau, de paradoxal et d'important pour l'Europe et le futur de l'Europe." Puis vient Irène Dimopoulo-Papa; cadre du parti néo-nazi grec Aube Dorée, qui appelle à l'établissement d'une nouvelle Europe : "L'avenir de la Grèce, comme celui de notre continent, se trouve dans une Europe qi va abolir la dictature corrompue des usuriers, une Europe des peuples libres."

 

La réunion se transforme en ce que Desproges aurait pu appeler un tribunal des flagrants délires. Au détail près que l'idéologie puisant dans le racisme et l'antisémitisme remplace la drôlerie. 

Le "géopolitique" Pierre Hilard fait un exposé d'une vingtaine de minutes pour rappeler que les conflits en Syrie et en Irak ont pour objectif de détruire les Etats arabes et sont le résultat d'une politique bimillénaire visant à assurer la suprématie juive au Proche-Orient. La parole est ensuite donnée à deux avocats qui établissent l'acte d'accusation  contre "les élites". Elie Hatem (2) d'abord, dont l'appartenance à l'Action Française et l'admiration pour Charles Maurras avait perturbé le FN dont il avait été un candidat, se prend pour le procureur d'un tribunal populaire : "ce sont nos politiques qui sont responsables de  cette situation.  Nicolas sarkozy, Alain Juppé, Laurent Fabius, "Monsieur Lévy", et j'en passe", énumère-t-il, sous les huées et les sifflets croissants de l'assistance. "Là, c'est l'avocat qui vous parle : en droit, toute personne qui cause un préjudice doit le réparer. Aujourd'hui, il s'agit plus que d'un préjudice, il y a une complicité dans ce crime. Il va falloir entamer des actions pour geler les avoirs, saisir les biens de ces gens qui sont responsables de cette situation !"

Damien Viguier, qui est notamment l'avocat d'Alain Soral, poursuit le réquisitoire : "Il ne faut pas parler de terrorisme et encore moins de crimes contre l'humanité. Il faut parler d'assassinats, de destructions, il faut parler de complicité d'assassinats. Si vous allez pleurer devant la Cour européenne des droits de l'homme ou devant la Cour pénale internationale, vous êtes victimes du mondialisme et vous allez le renforcer. Par conséquent, il faut en revenir aux juridictions internes." Il explique n'avoir "compris certaines choses qu'il y a trois semaines, en allant en Ukraine.". En France, estime-t-il, "vous avez de faux terroristes qui permettent à une Etat véritablement criminel de mener une soit-disant lutte contre le terrorisme [...]. Fabius est complice d'assassinat, et il faut le poursuivre devant les juridictions de droit commun."

L'écrivain marocain Youssef Hindi fait ensuite une lecture antisémite du "choc des civilisations" défendu par Samuel Huntington.Il nomme les cinq "agents du Mossad" arrêtés pas la police new-yorkaise pour leur implication dans les attentats du 11-Septembre et prétend qu'une "trentaine d'autres agents israéliens vivait à proximité de quinze des dix-neuf prétendus pirates de l'air". Il déplore enfin de ne pas avoir "les preuves tangibles de l'implication des services israéliens dans les attentats qui ont frappé la France en 2012 et en 2015". L'Otan, explique-t-il, mène une "stratégie principalement tournée contre la Russie visant à son démantèlement, sion à son affaiblissement (sic)".  La Russie, selon lui, s'oppose à deux ennemis : l'impérialisme américain et celui "bien plus discret du sionisme qui consiste à découper la Russie par une stratégie de contournement de ses alliés au Proche-Orient, en particulier l'Iran et la Syrie". "Après l'Ukraine, c'est la Syrie qui est le pivot mondial", assène-t-il, avant d'appeler de ses voeux "l'instauration d'un axe stratégique profitable à tous allant de Brest à Vladivostok en passant par Rabat (!) et ainsi matérialiser le pire cauchemar de Brzezinski (*)  : distendre les liens transatlantiques, ce qui en finira avec de l'Amérique en Eurasie".

Le journaliste Jean-Michel Vernochet explique que "Daesh est à la fois le fils d'Al-Qaïda et de la CIA", se moque des faux experts ("les gens comme Gilles Kepel ne comprennent rien à l'islam !") et raille la laïcité qui sert selon lui de paravent à la propagande de l'athéisme. Il considère enfin pouvoir "faire un parallèle entre l'idéologie judéo-bolchévique et l'idéologie wahhabite" !

 

Jean-Marie Le Pen clôt la table-ronde en dénonçant le "mouvement torrentiel" d'immigration qui a  conduit à avoir aujourd'hui en France "entre  et vingt millions d'immigrés musulmans", soit près du tiers de la population. Vous l'ignoriez ? C'est normal, explique-t-il puisque "l'Insee ment !". "Nous sommes des patriotes de civilisation européenne", poursuit-il. "Mais notre Europe, c'est l'Europe boréale, l'Europe de Brest à Vladivostok, comportant bien sûr nos pays d'Europe de l'Ouest mais aussi les pays slaves, la Russie, la Biélorussie, l'Ukraine, mais aussi la Sibérie, espace géopolitique sans lequel notre civilisation n'a pas de chance de survivre."

 

Terrorisme, immigration, trahison des élites, retour à la maison sur fond de xénophobie assumée. Ces thèmes sont communs à une myriade de discours populistes. Pas seulement français. Pas seulement d'extrême-droite. Et les personnes qui les portent se réfèrent avec une insistance surprenant à la Russie de Vladimir Poutine. C'est ce discours, porté par des réseaux plus ou moins informels, que nous souhaitons décrypter dans cette ouvrage.

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Ces réseaux se contredisent parfois. On les trouve à droite comme à gauche (et à chaque côté, plus volontiers vers les extrêmes). Ils regroupent des personnalités très installées, voire de premier plan, comme des individus intellectuellement marginaux, sulfureux. Certains prétendront avoir embrassé la cause par pure idéologie. D'autres seront plus manifestement corrompus et ne dissimulent pas leur intérêt. Leur diversité ont très peu en commun et se contredisent parfois. Ils s'organisent davantage autour de de fondements idéologiques, qui sont autant de "marqueurs" chimiques. Le rejet des Etats-Unis est évidement l'un d'eux, héritier pavlovien de la guerre froide, même si beaucoup d'entre eux ne dissimulent en même temps  pas une véritable fascination pour la puissance américaine avec laquelle ils rivalisent. Le "système", voilà l'ennemi.

Et avec lui, l'Union Européenne, les institutions de Bruxelles, qui incarnent le principal à la souveraineté de la France qu'ils érigent haut mais renient en même temps qu'ils se placent sous la tutelle de Moscou.  Les homosexuels sont toujours décriés, brandis  en symbole de notre décadence. Israël et les juifs sont volontiers dénigrés dans la vieille tradition russe, mais on notera que les pays du Golfe,sponsors de l'islamisme, tout comme la Turquie, à la fois cheval de Troie de l'Otan et musulmane.

 

Le discours russe est multiforme pour pouvoir draguer un public le plus large possible. A  chaque groupe ciblé, il offre un slogan. Aux conservateurs,  il met en avant "les valeurs" comme rempart contre la décadence. Aux hommes d'affaires, des opportunités de marchés ou d'investissements. Aux militaires, la lutte contre le terrorisme. A la gauche, la dénonciation de l'oligarchie et la résistance à l'ordre mondial. Et pour tout le monde, la promesse du retour au pouvoir du peuple, le rêve d'un modèle alternatif. Qu'importe les contradictions, qu'importe la réalité de la politique menée par Vladimir Poutine, chacun y trouve son compte. A commencer par le Kremlin.

 

Voir aussi : les articles  (pour les abonnés) du dossier de MEDIAPART : L’argent russe du Front National

 

Novembre 2014, congrès du FN à Lyon :

à la tribune, Andreï Issaïev, vice-président de la Douma russe (Chambre des députés), membre de Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine.

 © Reuters


 

 Front National : l'oeil de Moscou. Spécial Investigation , octobre 2015

Pour une très large partie du monde politique occidental, Vladimir Poutine est un président «infréquentable», mais pas pour Marine Le Pen. Depuis qu’elle a pris la présidence du FN, celle-ci ne cesse en effet de faire des appels du pied au président de la Fédération de Russie. Son opération de séduction a marché. Depuis près de quatre ans, le FN de Marine Le Pen et la Russie de Vladimir Poutine dansent front contre front. La présidente du FN a été reçue pluisieurs fois officiellement à Moscou, tandis que des émissaires du Kremlin sont envoyés dans les grands rendez-vous politiques du Front national. Par ailleurs, plusieurs millions d’euros sont arrivés directement de Russie dans les poches du FN. Raphaël Tresanini a mené l’enquête sur les raisons de ce rapprochement.

 

 

 



14/03/2017

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