Vigilance Isère Antifasciste

Vigilance Isère Antifasciste

"Bienvenue au Front, journal d'une infiltrée". En librairie le 27 février

"Bienvenue au Front, journal d'une infiltrée", par Claire Checcaglini
Editions Jacob-Duvernet, en librairie le 27 février 2012. 19,95 euros
 
Bienvenue au FrontLes 10 et 11 septembre 2011, la journaliste Claire Checcaglini était aux universités d'été du Front national, à Nice. Comme de nombreux journalistes. A la différence qu'elle était de l'autre côté. De celui des militants frontistes. Celui de la soirée de gala à huis clos. Celui d'où rien ne doit sortir. C'est en fait durant huit mois, de mai 2011 à janvier 2012, que cette journaliste a infiltré le Front national et gravi les échelons du parti. «Puisque le Front avance masqué, j’avancerai masquée moi aussi», dit-elle. Elle s'appelait Gabrielle Picard, nouvelle adhérente venue «pour Marine». Une immersion pour rendre compte de ce que le parti de Marine Le Pen ne laisse pas voir. Ce que les médias ne parviennent pas forcément à raconter.

L'exercice n'est pas nouveau. La journaliste Anne Tristan l'avait initié en 1987 : elle avait adhéré au FN en se faisant passer pendant six mois pour une chômeuse, dans les quartiers Nord de Marseille .Claire Checcaglini n'a pas choisi une cité, mais Neuilly et les Hauts-de-Seine (92). C'est un département hétéroclite où quartiers bourgeois et populaires coexistent. Et c'est le troisième département de France en nombre d'adhésions frontistes (plus de 700, selon les chiffres internes du FN).

Son objectif ? Aller voir ce que dissimule la «dédiabolisation» du parti, ce «nouveau FN» affiché par Marine Le Pen. Le Front national a-t-il changé ? Qui sont ses militants et cadres ? Pourquoi adhèrent-ils ? Qu'est-ce qui les lie ? Pendant huit mois, elle a laissé traîner ses oreilles et parfois son micro. Ce témoignage livre une radiographie des militants frontistes d'aujourd'hui : si l'électorat de Marine Le Pen s'est élargi, sa base militante, elle, n'a pas changé. Une évidence, diront certains ? Encore fallait-il le démontrer.

On découvre surtout, dans la pratique, la stratégie de ce «nouveau FN». Un parti qui, pour arriver au pouvoir, nettoie la vitrine et remise ses personnages et propos sulfureux dans l'arrière-boutique. Un parti où l'on peut tout dire et tout faire, tant que rien n'est public. Où un membre du comité central – et candidat aux législatives – peut écrire ceci. «Nous sommes en campagne...», avertit d'ailleurs la vice-présidente du FN dans un mail destiné à freiner les ardeurs de l'un de ses responsables sur «l'islamisation».
 
Extrait : 

9 novembre 2011.

Au Carré, le siège du Front national, l'auteure discute avec le secrétaire fédéral du FN dans les Hauts-de-Seine. Il lui confie la stratégie de Marine Le Pen par rapport à l'islam.


      — Au niveau national, vous avez des consignes pour refuser des militants ?
     — Non, mais j’ai dit à Marie-Christine (Marie-Christine Arnautu, vice-présidente du FN en charge des affaires sociales et responsable FN en Ile-de-France - NDLR) : il faut dénoncer l’islamisation, et non l’immigration. Elle me dit : ça fait partie de l’immigration. Je lui réponds que ce n’est pas la même chose. Moi je me fiche des Européens, et même des Chinois. Ce qui me dérange, c’est l’islam.
     — Elle aussi, j’imagine.
     — Oui, mais elle estime qu’il ne faut pas le traiter comme ça. Il faudrait pourtant qu’on parle de colonisation musulmane pour que les gens comprennent que c’est un peuple qui vient nous envahir et qui nous impose sa culture et sa démographie, et donc que nous allons y passer.
     — Sur ce sujet, Marine (Le Pen NDLR) ne passe pas vraiment à l’offensive. Tu la connais personnellement ?
     — On se fait la bise, on se tutoie, mais c’est de pure façade. Mais, une fois, j’ai eu un entretien au cours duquel elle m’a donné sa position sur l’islam. Elle m’a dit : voilà la stratégie. Nous n’aurons jamais les voix des musulmans, c’est une cible que je n’ai pas. Si je caresse l’islam dans le sens du poil de temps en temps, ce n’est pas pour eux, c’est pour les Français qui croient encore, ces cons-là, que l’islam est une religion. Ces gens-là, je ne veux pas perdre leur électorat. Si je dis que l’islam n’est pas fréquentable, que c’est la pire des choses, ils me traiteront de raciste et ne voteront pas pour moi. De sorte que pour le moment, c’est eux que je caresse dans le sens du poil.
Alors, je flatte la laïcité, parce que les Français sont très laïcs, ils sont même laïcards, ils estiment que toutes les religions ont le droit de vivre. C’est leur credo, ils ont appris ça depuis qu’ils sont tout petits, le principe de laïcité, ils le trouvent formidable. Donc, je fais en sorte de les flatter. En attendant, le Front ne rentre pas dans le lard de l’islam, et moi ça m’emmerde.
[...]
     — Tu ne crois vraiment pas que la position de Marine au sujet de l’islam n’est qu’une stratégie électoraliste et donc qu’elle est véritablement contre les musulmans ?
      Sylvain marque un temps d’arrêt : c’est difficile de savoir ce qui se passe dans la tête de nos dirigeants. Je ne sais pas s’ils font ça parce que c’est un bon gagne-pain ou s’ils ont vraiment envie de gagner. Quand on veut le pouvoir, on ne fait pas les petites conneries du style « Durafour crématoire ». On ne raconte pas que l’occupation allemande, ce n’était pas si insupportable que ça, compte tenu des personnes qui sont mortes dans les camps de concentration, même s’il y en a un million au lieu de six millions, c’était une horreur. Il y a des images terribles et qui sont vraies. Et puis, mes arrière-grands-parents, ils y sont passés. Il fait chier, Jean-Marie. Mais Marine, au congrès, rappelle-toi, dans son discours, elle a répété six fois le mot pouvoir. Elle veut le pouvoir. Donc, ça me va très bien. De toute façon on veut le pouvoir, quel que soit le moyen d’y arriver. Quand on y sera, on verra ce qu’on fera. Tant pis si on dérape, tant pis si on est à côté de la belle voie qu’on s’est tracée, il faut qu’on gagne !(...)

 

D'autres extraits ici

«J'ai voulu prouver que cette "dédiabolisation" du FN était fausse»

Entretien réalisé par Mediapart avec la journaliste Claire Checcaglini, auteur du livre «Bienvenue au FN, journal d'une infiltrée».

 


 

 

 


 


 


 


 


 


 




26/02/2012

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