Contre le racisme, devoir d'insolence. Soutien et pétition pour Saïd Bouamama et à Saïdou de Zep
Voir aussi sur Médiapart , 19 novembre 2012 :
HOURIA BOUTELDJA GAGNE SON PROCÈS EN APPEL
Les aboyeurs racistes du bloc identitaire & Co, qui ont fait appel du jugement relaxant Houria Bouteldja, accusée par eux de "racisme anti-blancs", ont été renvoyés une deuxième fois à la niche par la Cour d’Appel de Toulouse.
Première défaite de l’AGRIF dans sa tentative de criminaliser l’expression antiraciste. [.........]
Signer ICI LA PETITION POUR LE DROIT A L'INSOLENCE ANTIRACISTE
Le rappeur Saïdou du groupe Z.E.P (Zone d’expression populaire) et le sociologue et militant Saïd Bouamama ont été mis en examen pour « injure publique » et « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence » sur une plainte de l’Agrif, un groupe d’extrême droite nostalgique de l’Algérie française. En cause, un ouvrage et une chanson du même nom, Nique la France, qui assènent en refrain :
« Nique la France et son passé colonialiste, ses odeurs, ses relents et ses réflexes paternalistes / Nique la France et son histoire impérialiste, ses murs, ses remparts et ses délires capitalistes. »
Comme des millions de gens à travers le globe ces dernières années, les deux auteurs ont attaqué le colonialisme et le système capitaliste et impérialiste. Comme beaucoup d’entre nous, ils dénoncent une idéologie toujours très en vogue : le racisme, sous ses formes les plus courantes mais aussi les plus décomplexées. Comme de nombreux habitants des quartiers populaires, ils ont crié leur colère contre les inégalités, les discriminations et la justice à double vitesse.
S’inscrivant dans une longue tradition pamphlétaire des artistes engagés en France contre l’État français, du « nation de porcs et de chiens » d’André Breton au « le temps que j’baise ma Marseillaise » de Léo Ferré en passant par le « je conchie l’armée française » d’Aragon ou le « votre République, moi j’la tringle » de Renaud, Saïdou et Saïd Bouamama ont choisi d’assumer leur « devoir d’insolence » afin d’interpeller et de faire entendre des opinions qui ont peu droit de cité au sein des grands canaux de diffusion médiatique.
Mais voilà, cela dépasse, choque et insupporte qu’une telle parole puisse être portée, d’autant plus quand elle l’est par ceux qui subissent en premier lieu les politiques racistes et antisociales. Lorsque des Noirs ou des Arabes font le choix de sortir de l’invisibilité et du mutisme afin de décrire la réalité telle qu’elle est – violente, inégale et destructrice – la droite extrême, l’extrême droite ou encore l’État s’emploient à tenter de convaincre l’opinion publique de l’illégitimité de ces discours.
NTM, Sniper, Ministère Amër, Mr. R, La Rumeur, Youssoupha ou Houria Bouteldja sont autant de rappeurs et militants attaqués ces dernières années pour des paroles jugées trop irrévérencieuses. Pourtant, tous n’ont fait que porter publiquement l’expression populaire du rejet des discriminations et de la stigmatisation des quartiers populaires, des Noirs, arabes et musulmans.
En signant cette pétition, nous exigeons que les poursuites contre Saïdou et Saïd Bouamama soient abandonnées. D’accord ou pas d’accord avec les propos et les formulations incriminés, nous défendons leur droit de les tenir. L’extrême droite veut interdire le droit de chanter la révolte, imposons le droit de l’exprimer sans entraves.
Comité de soutien Devoir d’insolence
Ils ont déjà signé :
La Rumeur, Youssoupha, Casey, Zebda, Scred Connexion, Rachid Taha, Mathieu Kassovitz, Amazigh Kateb, Les Ogres de Barback, La Rue Kétanou, Guizmo (Tryo), Imhotep (IAM), Les Ramoneurs de Menhirs, HK et les Saltimbanks, La Compagnie Jolie Môme, Dub Inc, Elli Medeiros, Archie Shepp, Slimane Dazi, Axiom, Oai Star, Maitre Madj, Première Ligne (Skalpel, E.One et Akye), Siné, Raphaël Confiant, Judith Butler, Rokhaya Diallo, Pascal Blanchard, Eric Fassin, Laurent Levy, Pierre Tevanian, Christine Delphy, Elie Domota, Olivier Besancenot, Houria Bouteldja, Eva Joly, Noel Mamère, Sergio Cornado, Hervé Poly, Xavier Mathieu, Clémentine Autain, Malsa Garcin.
(Voir la suite en bas de la page)
Pour nous rejoindre et agir : devoirdinsolence@gmail.com
Page Facebook: https://www.facebook.com/devoirdinsolence
Site internet: www.zep-site.com
Matériel à utiliser et diffuser :
Com de presse Devoir d'Insolence 19.11.2012
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DailyNord, le 17 octobre 2012 :
Saïd Bouamama, mis en examen pour racisme anti-blanc : « pourquoi Michel peut-il dire qu’il n’aime pas le drapeau et pas Mohamed ? »
Info DailyNord.
Hasard de l’actualité (ou pas), alors que Jean-François Copé nous a gratifié il y a quelques semaines de sa sortie sur le racisme anti-blanc, ceux qu’on appelle parfois « les deux Saïd » – les Roubaisiens Saïd Bouamama, sociologue engagé, et Saïd, du groupe de hip-hop Z.E.P – viennent d’être mis en examen par le tribunal de Paris pour « injures publiques envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une race ou une religion ».
En août 2010, les deux Roubaisiens avaient sorti le livre « Nique la France – Devoir d’insolence » et le morceau de hip-hop « Nique la France », ce qui leur avait valu un tombereau de réactions indignées (relire nos différents articles : Nique la France, le buzz nordiste ne laisse personne indifférent ; « Nique la France » en question par Jean-Pierre Decool).
A l’époque, une première plainte émanant d’un identitaire toulousain avait été classée sans suite. Cette fois, c’est l’Agrif (Alliance Générale contre le Racisme et pour le Respect de l’Identité Française et Chrétienne) qui est à la manoeuvre et qui a réussi à convaincre le parquet d’instruire l’affaire. Rendez-vous est pris à l’heure de l’apéro dans un café de Lille-Fives avec Saïd Bouamama qui, tout en sirotant une bière (pour ceux qui imagineraient d’emblée le personnage en barbu intégriste), a bien voulu répondre aux questions de DailyNord. A 54 ans, ce sociologue formant des travailleurs sociaux, très investi dans la lutte pour les sans-papiers veut continuer « à poser des questions embêtantes » y compris au sein du Front de gauche qu’il soutient.
DailyNord : Votre mise en examen intervient alors que Jean-François Copé dénonce le racisme anti-blanc dont seraient victimes certains Français. Est-ce un hasard ?
Saïd Bouamama : Non, à force de céder à l’extrême-droite sur certains points, on assiste à une droitisation de la société. Copé reprend le racisme anti-blanc – vieille antienne du FN – à son compte. L’extrême-droite peut désormais aller plus loin. A leur place, je dirais : « la circoncision est inhumaine, il faut l’interdire » et vous verrez que dans deux ans, le débat sera porté en place publique. Or au final, c’est toujours l’extrême-droite qui gagne car la force du facisme, c’est de se présenter toujours plus net que la photocopie.
« Nique la France » pour poser « un certain nombre de questions »
DailyNord : Est-ce à dire que pour vous le racisme anti-blanc est une pure invention ?
Saïd Bouamama : Le FN et Copé mélangent deux choses : d’un côté, les réactions individuelles de quelques jeunes de quartiers minoritaires qui existent, de l’autre un racisme structurel et institutionnel qui fait que tu as 30% moins de chances de trouver un boulot quand tu t’appelles Mohamed ou Mamadou. Le but étant d’invalider l’anti-racisme. On observe le même phénomène pour délégitimiser les féministes : certains prétendent qu’il faut un mouvement « hommiste » pour défendre les hommes battus. Comme si on pouvait comparer les deux…
DailyNord : Quand vous écrivez « Nique la France » il y a deux ans, quel est votre objectif ?
Saïd Bouamama : Poser un certain nombre de questions dans une forme qui oblige à la réaction.
DailyNord : Au risque d’apparaître non-constructif ?
Saïd Bouamama : Mais la provocation est le seul moyen pour faire entendre une souffrance une frange de la population qui n’est pas entendue et qui n’a pas le droit à la parole. Quelques mois avant, j’avais écrit un ouvrage « la France autopsie d’un mythe national » qui pose les mêmes questions mais de manière plus policée. Pourquoi certains jeunes dans les banlieues disent « Nique la France »? Parce qu’ils n’ont pas l’impression d’être considérés comme Français. La provocation permet aussi d’avancer. Regardez, quand je disais il y a quelques années que la France possèdait encore un héritage colonialiste dont elle avait du mal à se défaire, on me disait que j’étais trop radical. Aujourd’hui François Hollande dit qu’il faut reconnaître le massacre de Thiaroye au Sénégal.
DailyNord : Mais vous saviez que vous alliez braquer certaines personnes, y compris à gauche ?
Saïd Bouamama : Oui, mais il y a eu des critiques avec qui nous avons pu débattre. Même à gauche, on entend dire que les gamins doivent s’intégrer alors qu’ils sont Français. Une partie de la gauche fait une erreur en construisant son discours sur des moyens. La laïcité, ce n’est qu’un moyen de bien vivre ensemble, ce n’est pas une fin en soi. Il ne faut pas que la gauche abandonne cette grille de lecture qui dit que ce sont les conditions de vie qui déterminent les comportements.
Par ailleurs, je pose une question : pourquoi Michel peut-il dire qu’il n’aime pas le drapeau et pas Mohamed ? Pourquoi Aragon peut-il écrire « je conchie la France impérialiste » et pas Saïd ? Nous sommes au début d’une interdiction de toutes critiques envers la France. Avec Sarkozy, on avait l’impression qu’il fallait faire allégeance au drapeau tous les jours.
Lors du jugement, « je compte bien invoquer Aragon, Léo Ferré et d’autres »
DailyNord : Ce livre n’est-il pas en fin de compte le reflet d’une période tendue entre jeunes des quartiers et autorité publique ? En clair l’écririez-vous maintenant ?
Saïd Bouamama : Oui, mais avec un autre titre comme « Marre des discriminations ! ». Il est clair qu’il y a eu un nombre de discours insultants à l’époque de Sarkozy. En sociologie, on appelle ça « le retournement du stigmate ». Le jeune qui entend toute la journée « t’aimes pas la France, t’aimes pas la France, t’aimes pas la France », à la fin il te dit « oui, j’aime pas la France ». Dans cinquante ans, on verra ce livre comme le résultat inévitable d’un contexte.
DailyNord : Concernant votre mis en examen, vous êtes serein ?
Saïd Bouamama : Ce qui m’embête, c’est que depuis deux ans, j’ai reçu beaucoup de messages d’extrémistes disant « on va te faire la peau » et que maintenant que la plainte est acceptée, la partie adverse peut avoir accès à mon adresse. Pour le reste, attendons le jugement, mais je compte bien invoquer Aragon, Léo Ferré et d’autres pour me défendre.
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