Vigilance Isère Antifasciste

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Escroquerie aux allocs chômage, baston, néonazisme : les activités des trésoriers et conseillers de l'héritière Le Pen (enquête Mediapart)

Mediapart, 25 février 2014 , par Marine Turchi :

 

L'escroquerie à Pôle emploi du trésorier du micro-parti de Marine Le Pen‏

 

Trésorier de Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, jusqu’en mars 2012, Olivier Duguet a été condamné en juin 2012 à six mois de prison avec sursis dans une affaire d'escroquerie au préjudice de Pôle emploi dont le montant s'élève à plus de 100 000 euros.

Marine Le Pen, habituée à cibler les « profiteurs du bas » et la « fraude sociale », qu'elle attribue à « une explosion de l'immigration », a confié les finances de son micro-parti à un comptable mis en cause pour une escroquerie à Pôle emploi. Ancien du GUD (Groupe Union Défense), Olivier Duguet a été condamné le 6 juin 2012 à une peine de six mois de prison avec sursis pour « escroquerie » au préjudice de Pôle emploi. 

Olivier Duguet, 45 ans, est un proche de l'ancien leader du GUD Frédéric Chatillon, conseiller officieux et vieil ami de la présidente du FN. ( Voir : Prouvé : l'héritière du FN copine avec des néonazis, exemple : Frédéric Chatillon ). Il apparaît dans la gérance ou l'actionnariat de nombreuses sociétés de la galaxie du GUD (High definition security consulting, Hades Finance, Howell Finance, DGT Real Estate, société de développement et d'exploitation des eaux de sources, Équités), dont certaines ont été liquidées.

Il est notamment actionnaire de Dreamwell, filiale publicitaire de Riwal, l'agence de communication de Chatillon (lire nos enquêtes ici et là). Une partie de ces sociétés a un temps été domiciliée à la même adresse que Jeanne, le micro-parti de la présidente du FN.

Trésorier de Jeanne de sa création en novembre 2010 jusqu'en mars 2012, M. Duguet était parallèlement le comptable de la société Correctif, qui proposait l'édition et la correction de documents et revues. D'après des documents que Mediapart s'est procurés, il a établi frauduleusement pour Pôle Emploi, en avril 2010, des certificats de travail, attestations Assedic et reçus pour solde de tout compte, au nom de la société Correctif, au moment de sa liquidation. 

La justice a estimé qu'il a « été complice du délit d'escroquerie » reproché à une autre personne au nom de cette société (à hauteur de 42 081 euros) « en l'aidant ou en l'assistant sciemment », « en lui fournissant de fausses attestations ASSEDIC », mais aussi d'avoir lui-même « trompé le Pôle emploi » « par l'usage de manœuvres frauduleuses », « pour le déterminer à remettre des fonds » (23 958 euros). Le montant total de l'escroquerie, qui a bénéficié à trois personnes, atteint 100 748 euros net. Il s'élève à près de 277 000 euros en prenant en compte le "préjudice évité" (si la fraude n'avait pas été découverte).

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Olivier Duguet a perçu indûment l'allocation chômage pendant 186 jours, entre juin et décembre 2010. Pôle emploi a expliqué à Mediapart avoir constaté « des sommes relativement importantes (70 000 euros) en "préjudice évité" » s'agissant de M. Duguet, mais aussi « trois gérances non déclarées » de sa part, puisqu'il était parallèlement à la tête d'autres sociétés. Alerté en janvier 2011, l'organisme public avait déclenché une procédure de suspicion de fraude.

duguet 3.jpgO. Duguet (à gauche) et F. Chatillon (à droite) lors d'un rassemblement pro-Bachar al-Assad, à Paris, le 30 octobre 2011. © Capture d'écran d'un documentaire de Canal Plus.

 

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Frédéric Chatillon (cercle violet) et Olivier Duguet (cercle vert) lors du rassemblement pro-Bachar al-Assad le 30 octobre 2011. © Reflexes

L'ex-trésorier du micro-parti de Marine Le Pen a accepté d'être jugé dans le cadre discret d'une "Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (Crpc) – plus communément appelée le “plaider coupable” –, une procédure qui offre l'avantage d'éviter la publicité des faits lors d'une audience publique au tribunal, et qui permet également d'obtenir une peine plus clémente.

Contacté, Olivier Duguet confirme cette condamnation mais renvoie la balle vers « les dirigeants », qui ont, dit-il, « mis en place un montage au préjudice de Pôle emploi »« au moyen de (ses) outils comptables ».

Cette réponse « étonne » le gérant de la société, Grégoire Boucher, « ami depuis des années » d’Olivier Duguet et militant d'extrême droite, condamné lui aussi à six mois de prison avec sursis. « Non seulement ce n’est pas vrai, mais ce n’est même pas la version qu’il avait défendue le jour du procès », explique-t-il à Mediapart. Devant la justice, ils avaient, selon M. Boucher, expliqué qu’une « tierce personne », « amie d’Olivier Duguet », condamnée à deux mois avec sursis, « avait fait de fausses fiches de paye en utilisant les tampons de l’entreprise ».

Les deux hommes n’avaient pas contesté les faits. « On a décidé que c’était une affaire passée et entendue. L’avocat a dit (à Olivier Duguet) qu’il valait mieux ne pas insister et prendre cela », justifie Grégoire Boucher. Une autre procédure est actuellement en cours s'agissant du remboursement des sommes perçues, après une seconde plainte de Pôle emploi au civil.

Catholique traditionaliste, pilier du Printemps français, la branche radicale de la “Manif pour tous”, et « ami » de Frédéric Chatillon, Grégoire Boucher est lui aussi à la tête de plusieurs sociétésMediapart l'a aperçu, avec une oreillette, dans le noyau des organisateurs de la manifestation d'extrême droite « Jour de colère », le 26 janvier, à Paris.

duguet 5.pngGrégoire Boucher, lors de la manifestation de "Jour de colère", le 26 janvier 2014, place de la Bastille, à Paris. © Mediapart / N. Serve

 

Le nouveau trésorier de Jeanne interpellé lors d'affrontements avec la police en avril 2013

En février et mars 2012, Pôle emploi missionne un huissier pour réclamer les sommes détournées, et la police judiciaire convoque les mis en cause par courrier. Le trésorier de Jeanne est remplacé. Marine Le Pen a-t-elle tenté d’évacuer Olivier Duguet au moment de ses ennuis judiciaires ? Pas du tout, répond le comptable. « Ma mission concernait les élections cantonales de 2011 et a pris fin en mars 2012 (comme il était convenu) après la clôture des comptes de l’association Jeanne au 31 décembre 2011 et de leur transmission à la commission de financement des partis politiques », justifie-t-il. Sollicitée par Mediapart, la présidente du Front national n'a pas donné suite.

Le 15 mars, la trésorerie de Jeanne revient à un autre ancien du GUD, ami et associé de Frédéric Chatillon, d'après la déclaration enregistrée en préfecture, cosignée par M. Duguet (voir ci-dessous) : Axel Loustau. Candidat FN lors des législatives de 1997 dans les Hauts-de-Seine, M. Loustau est président de la société privée Vendôme Sécurité, prestataire du FN pendant la campagne présidentielle de 2012.

Mais le nouveau trésorier de Jeanne fait aussi parler de lui : le 23 avril dernier, il est interpellé lors d'affrontements avec la police et de violences contre les journalistes, en marge de la manifestation contre le mariage pour tous, aux Invalides (lire notre article). 

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Axel Loustau, le trésorier du micro-parti de Marine Le Pen, interpellé dans la nuit du 23 au 24 avril 2013, aux Invalides. © Mediapart / N. Serve

Il apparaît sur ces images (à 3'09 et 3'43) avec un casque et un bâton face aux forces de l'ordre. En janvier, il était également présent au côté de Grégoire Boucher dans le rassemblement de « Jour de colère ».

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Axel Loustau avec un casque et un bâton blanc, le 23 avril 2013, face aux forces de l'ordre. © BreakNewsPress2

Après les démêlés de ses trésoriers successifs, et alors que la justice a ouvert une enquête préliminaire sur le fonctionnement de Jeanne, Marine Le Pen veut-elle faire oublier ce micro-parti à son service ? Le 30 décembre, une nouvelle formation a en tout cas été déclarée par les Le Pen à la sous-préfecture de Boulogne-Billancourt : Promolec, et son association de financement “Jean-Marie Le Pen - Promolec”.

Ce parti est « chargé de promouvoir l’image de marque et l’action de Jean-Marie Le Pen et de Marine Le Pen », indiquent les statuts de cette structure domiciliée à Montretout, maison familiale des Le Pen. Il est contrôlé par le cercle Le Pen lui-même : Jean-Marie Le Pen en est le président, Gérald Gérin, son assistant et homme de confiance, occupe le poste de trésorier, Marine Le Pen celui de secrétaire générale, et Micheline Bruna, militante historique et candidate régulière dans le Val-d'Oise, celui de secrétaire générale adjointe.

 

Voir aussi : Chez les Le Pen, la seule chose à gauche, c'est l'argent (dans L'Humanité)



26/02/2014

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