Vigilance Isère Antifasciste

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"Immigration : des fantasmes à la réalité". Dans Lyon-Entreprises.

Dans "Lyon-Entreprises", décembre 2011 :

Immigration : des fantasmes à la réalité

Par Dominique Largeron


L'identité nationale, la baisse de l'immigration choisie, travail et, actuellement, vote des immigrés : la campagne des élections présidentielles est pour une bonne part et ce, depuis des mois, axée autour de ces différents thèmes. Fantasmes ou réalités ? L'Insee Rhône-Alpes vient de réaliser une étude très approfondie sur l'immigration en Rhône-Alpes qui remet pas mal de pendules à l'heure.


Un certain nombre de chefs d'entreprises ne décolèrent pas : ils ont de plus en plus de mal à faire venir de l'étranger les chercheurs pointus ou les cadres de haut niveau dont ils ont besoin, au prétexte qu'ils ne sont pas Français : la conséquence de la volonté de Claude Guéant, ministre de l'Intérieur, de réguler de manière drastique l'immigration choisie.

La conséquence de la campagne des élections présidentielles, assurément. S'agit-il là de répondre à une réalité ou à des craintes irraisonnées ? L'économie et l'immigration ont partie liée, mais de quelle façon ?

Dans le chaudron actuel qui bouillonne autour de l'immigration, l'Insee Rhône-Alpes vient opportunément de sortir une étude particulièrement bien fouillée qui répond déjà à de nombreuses questions (1).

Elle dénombre ainsi 540 000 immigrés en Rhône-Alpes, soit 9 % de la population, soit encore un point de plus que la moyenne nationale (8,1 %). Cette population était composée de 452 000 personnes en 1999, soit, alors, 8,2 % de la population totale.

Il faut comprendre que ce terme même d'immigration est très hétérogène si l'on prend en compte le critère choisi par l'Institut de la statistique qui est celui du Haut Conseil à l'Intégration : « un immigré est une personne née étrangère à l'étranger et résidant en France ». On peut être de nationalité française et immigré. Cela signifie par exemple que l'italien qui est arrivé en 1950 en France pendant les Trente Glorieuses est considéré comme immigré, alors qu'il a pris la nationalité française, comme l'immigré maghrébin qui est, par exemple, lui, arrivé il y a dix ans et est resté étranger.

Cette population immigrée qui croît lentement (+ 0,1/0,2 % l'an) est d'autant plus hétérogène que sont intégrés à ces statistiques les ressortissants d'autres pays de l'Union européenne et notamment les Suisses résidant en grand nombre en Haute-Savoie et dans l'Ain (la majorité des immigrés rhônalpins est européenne, soit 43,3 %), suivie des populations issues du Maghreb (33 %), puis d'autres pays d'Afrique 6,2 %. Les immigrés asiatiques (14,5 %) et des deux Amériques (3 %) ferment la marche.

Pourquoi la population immigrée est un peu plus nombreuse en Rhône-Alpes qu'en France ? Parce que cette population est là pour rechercher du travail et qu'il y en a un peu plus en Rhône-Alpes que dans d'autres régions.

Il existe plus de personnes en âge de travailler chez les immigrés que dans l'ensemble de la population : 68 % ont entre 18 et 59 ans, et sont donc en âge d'être actifs, contre 57 % pour l'ensemble de la population rhônalpine. On retrouve donc essentiellement cette population dans les grands bassins d'emploi, c'est-à-dire les grandes agglomérations de Lyon et de Grenoble : 53 % des immigrés habitent le Rhône et l'Isère et 73 % dans quatre département, ces deux derniers, auxquels il faut ajouter la Haute-Savoie et l'Ain.

On s'en doute, le taux de formation est moindre dans cette population, même si le niveau de dipôme a tendance à augmenter : l'écart avec les non immigrés reste très important.

Moins formés, les immigrés sont logiquement sureprésentés chez les ouvriers et donc dans les métiers à faible qualification : un ouvrier sur six est immigré. Plus précisément, 13 % des salariés de la construction le sont. Or, il s'agit d'un métier dit sous tension qui a du mal à recruter. En outre, un artisan sur dix est immigré.

Population moins formée, plus fragile, plus ouvrière, elle est logiquement confrontée à la désindustrialsation dont souffre notre pays. Les immigrés souffrent donc plus du chômage (18 % contre 8 %), mais sont aussi plus représentés dans les emplois précaires et l'intérim.

Si l'on se base sur une vision de l'immigration purement utilitariste, la carte rhônalpine de l'immigration dresse donc un état des lieux qui permet d'illustrer son rôle économique. S'il ne s'agit pas d'accueillir toute la misère du monde comme le disait Michel Rocard (2), elle correspond aux besoins de notre économie qui puise aussi sa croissance dans des professions non assumées par le reste de la population.

Ce portrait devrait être encore plus affiné d'ici la fin de l'année prochaine : les municipalités de Lyon, Grenoble et Saint-Etienne ont demandé à l'Insee Rhône-Alpes de répondre encore plus précisément à cette question : dans quelle mesure les populations immigrées contribuent au développement économique de ces agglomérations ? Une manière de compléter cet état des lieux, afin de traiter ce problème de l'immigration à partir d'une réalité avérée et non fantasmée.

 



(1) La Lettre de l'Insee n°157, décembre 2011.


(2) Cette phrase de Michel Rocard est très souvent citée, mais de façon partielle. La citation complète est : "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part. "  Note de RLF.


14/01/2012

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