Vigilance Isère Antifasciste

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Xe journée de Synthèse nationale : plongée dans le marigot de l’extrême droite radicale

Xe journée de Synthèse nationale : plongée dans le marigot de l’extrême droite radicale

le 27 octobre 2016, par Jean-Paul Gautier, historien, spécialiste des extrêmes droites

( article repris du  blog de la commission antifasciste du NPA )

Les journées de Synthèse nationale, c’est un peu la foire-fouille des groupuscules d’extrême droite.

L’offre est large et radicale.

C’est aussi un rendez-vous des anti-marinistes et des fascistes de tout poil.

 

 

En 2006 la revue Synthèse nationale livre son premier numéro à l’initiative de Roland Hélie. Celui-ci est un vieux routier de l’extrême droite : ancien membre d’Ordre nouveau, du GUD, dirigeant du Parti des Forces nouvelles, il a fait des aller et retours au Fn et a participé à divers groupuscules (Espace nouveau, Mouvement d’ Initiative populaire, Alliance populaire, Parti national républicain).

Pourquoi lancer une nouvelle revue ? Roland Hélie explique les tenants et les aboutissants d’une telle entreprise : « partant du constat que les forces nationales étaient alors morcelées et parfois même antagonistes, nous avons essayé d’introduire dans notre famille d’idées un nouvel état d’esprit. Il s’agissait de faire en sorte que les différentes composantes de ce que nous appelons « le mouvement national », au sens large du terme, agissent vers le même objectif. (…) Combattre le mondialisme destructeur des identités et des nations. ( … ). Pour une France française dans une Europe européenne. Pour une offensive nationale et identitaire ».

 

La revue est complétée par les Cahiers d’Histoire du nationaliste (qui s’inspirent des Cahiers d’Histoire du Fascisme de François Duprat dans les années 70). Le catalogue est sans appel. Parmi les numéros publiés : Léon Degrelle (ex chef de la division Wallonie des SS belges ), François Duprat, Jacques Doriot et le PPF, le PFN, Jean-Louis Tixier-Vignancour, Jean Mabire, éveilleur des peuples, la Croix celtique, le NSDAP, Drieu la Rochelle, le Français d’ Europe... et la collection des Bouquins de Synthèse nationale qui comprend entre autres titres : Dominique Venner, Présent !, Dominique Venner, soldat politique, Salazar le regretté, Bardèche et l’Europe , Pourquoi la Syrie baasiste plutôt que l’État islamique. Bref tout un appareil pour mener à bien « le combat identitaire » et la reconquête idéologique.

Les journées de Synthèse nationale, c’est un peu la foire-fouille des groupuscules d’extrême droite. L’offre est large et radicale. C’est aussi un rendez-vous des anti-marinistes et des fascistes de tout poil.

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La tribune du meeting central de gaude à droite : Filip Dewinter (député belge du Vlaams Belang) - Jean-Paul Chayrigues de Olmetta (président des Amis de Synthèse nationale) - Jean-Marie Le Pen - Roland Hélie (Synthèse nationale) - Roger Holeindre (Cercle national des Combattants) - Carl Lang (Parti de la France). D.R.

La revue a donc fêté ses dix ans le 2 octobre dernier. Différents forums étaient organisés : « forum des initiatives, forum sur l’identité » et clou de la journée un meeting central avec comme invité d’honneur Jean-Marie Le Pen, qui depuis son exclusion du Fn est prêt à sauter sur toutes les estrades où il est convié à s’exprimer.

Ont participé aux divers forums : Serge Ayoub (ex skinhead et chef des ex JNR), Richard Roudier de la Ligue du Sud, Pierre Cassen de l’association islamophobe Riposte laïque, Pierre Vial de la revue païenne et identitaire Terre et Peuple, Alain Escada du mouvement catholique intégriste Civitas, Roger Holeindre ex membre du Fn et patron du Cercle national des Combattants, Carl Lang du Parti de la France…

Du côté des « camarades européens » étaient présents Hervé Van Laethem du groupe fasciste belge Nation, Gabriele Adinolfi ancien dirigeant des fascistes italiens de Terza Posizione et partisan dans les années 70 de la « stratégie de la tension » en Italie : une figure de référence pour l’extrême droite italienne et européenne. Également présent, Filip Dewinter député du Vlaams Belang au Parlement belge.

Dans les allées de l’Espace Jean Monnet (un comble pour les nationalistes) différents stands d’éditions, d’associations et de groupuscules s’étaient installés. Le Parti nationaliste français (cache-sexe de l’ Œuvre française dissoute par le gouvernement) qui réclame la translation des cendres de Pétain à Verdun, les pétainistes nostalgiques de l’Association de Défense du Maréchal Pétain (ADMP), le groupuscule Dissidence française qui « est une communauté de combat des Hommes debout au milieu des ruines (référence au théoricien fasciste Julius Evola) contre la République des partis, des loges et des lobbies… pour l’unité nationale et l’identité ethnoculturelle du peuple français et la défense du sang et du sol… ».

 

Le Parti de la France avec Carl Lang et Thomas Joly, le Cercle national des Combattants, le Groupe Nation, les revues Terre et Peuple et Réfléchir et Agir, les éditions Dualpha et Philippe Randa, Synthèse nationale avec Jean-Claude Rollinat (ex FN) et Didier Le Cerf (ex PFN) étaient également de la partie ainsi que TV Libertés, WebTV fondée en 2014 par Philippe Miliau (ex GRECE, ex Bloc identitaire ) et qui défend « la culture et l’ esprit français au cœur des nations européennes » : Jean-Yves Le Gallou, Alain de Benoist , Martial Bild, Robert Ménard y animent diverses émissions auxquelles ont participé Alain Sanders de Présent, Renaud Camus, le théoricien du « Grand Remplacement ». Pour aider à son lancement, TV Libertés a vraisemblablement reçus quelques roubles poutiniens.

Un bouquiniste proposait quant à lui les œuvres de Degrelle, Mein Kampf, A. Hitler chef d’État, chef de guerre et des écrits négationnistes de Paul Rassinier et consorts.

Au hasard des flâneries, on pouvait croiser Thierry Maillard (ex Œuvre française, viré du Fn, admirateur de Doriot et fondateur de la Ligue champenoise des Patriotes, du Front nationaliste et du Réseau France nationaliste.

Côté réjouissances, Docteur Merlin (ex GRECE), qui n’a rien d’un enchanteur, donnait un concert et chantait « Viva Mussolini, c’est le plus grand homme ». Cerise musicale sur ce rendez-vous d’ automne, Les Brigandes au sommet de la ringardise : ce groupe est produit par Le Comité de Salut public dont la figure de proue (un certain Antoine) précise que le but de ce comité est de « rassembler des personnes appelées par l’idée de résistance, les rassembler physiquement pour les former aux combats actuels et futurs ».

 

Le « Forum sur l’Identité » animé par Luc Pécharmant (responsable de Synthèse nationale Nord) est parvenu à réunir à la même tribune Alain Escada de Civitas, Pierre Cassen de Riposte laïque et le païen et identitaire Pierre Vial (ex secrétaire général du GRECE, Fn, Mnr) de la revue Terre et Peuple. Premier intervenant Pierre Cassen qui d’entrée de jeu s’est déclaré défenseur de la loi de 1905, citant Victor Hugo : « je veux l’Église chez elle et l’État chez moi ». Il s’est félicité de l’absence de crucifix dans les tribunaux (Escada a failli manger sa cravate), puis il a enfourché son cheval de bataille, dénonçant la laïcité « catholicophobe » et islamophile, appelant les participants à se rassembler sur ce qu’il considère comme l’essentiel « bouter hors de France l’envahisseur et le conquérant (…), l’ islam est le fer de lance de l’offensive contre la laïcité, l’islam n’est pas une religion et son seul but est la conquête de territoires ». Naturellement Eric Zemmour a reçu le soutien de Cassen.

 

Pierre Vial a vanté les mérites de Patrick Buisson et sa défense de l’identité nationale. Pour lui, l’identité est « la synthèse de la race et de la culture, une réalité ethnoculturelle ». Il n’hésite pas à citer Benjamin Disraeli (premier ministre du Royaume-Uni de 1874 à 1880), tout en précisant « lorsque l’on voit son patronyme ou son portrait, je ne vous fais pas de dessin ». Mais qu’a donc fait Disraeli pour trouver grâce aux yeux de Pierre Vial ? Il avait écrit en 1880 : « personne ne traitera avec indifférence du principe racial ; c’est la clef de l’Histoire (…). Une seule chose fait une race et cette chose c’est le sang ». Pierre Vial termine son intervention en souhaitant « longue vie au tsar Poutine » et en précisant qu’il aime bien se promener dans Moscou car « il n’y a pas de nègre dans les rues » (fermez le ban).

 

Le dernier intervenant est Alain Escada. Son intervention est un catalogue des principales cibles de l’extrême droite : dénonciation du « haut patronat cosmopolite, d’un complot des juifs de France en faveur de l’islam » (un complot judéo-islamiste ?). La preuve, les trois leaders du marché halal sont « des juifs sionistes ». Voyant le complot partout, Escada considère « qu’un plan mondialiste se met en place dont le but est d’installer des hordes d’’immigrés musulmans chez nous » et de pousser à « une situation de guerre civile en Europe ». La Franc- maçonnerie n’est pas oubliée parce que « la république maçonnique a colonisé la France au cosmopolitisme ». Quant au mondialisme, il a provoqué « la féminisation de l’homme en Europe. L’Europe aujourd’hui n’honore pas ses hommes, elle applaudit ses travelos (…). L’Europe produit des eunuques ». Heureusement que « l’ordre divin, l’ordre naturel des choses » doit rétablir la situation avant qu’il ne soit trop tard. Pour Escada, il y a urgence.

 

Lors du meeting politique, les oreilles de Marine Le Pen ont dû siffler. La tribune a rendu un hommage appuyé et un véritable cirage de pompes à Jean-Marie Le Pen. Sous la présidence de Roland Hélie, ont pris successivement la parole, Filip Dewinter, Roger Holeindre, nostalgique des guerres coloniales, Carl Lang qui a fait huer Marine Le Pen, l’accusant d’avoir offert « sous forme d’holocauste la tête de Jean-Marie Le Pen à des forces de l’Anti-France » (il ne faut pas oublier que c’est Le Pen qui a viré Lang du Fn…). Le représentant du Vlaams Belang F. Dewinter a remporté une victoire à l’applaudimètre lorsqu’il a dénoncé « la troisième invasion musulmane en Europe », a appelé à « rejeter l’islam de l’autre côté de la Méditerranée » et à préserver la « civilisation européenne et blanche ». Quant à Carl Lang, il a dénoncé le « péril islamique » et les forces de l’Anti-France, agents de dislocation de l’identité nationale.

La star du meeting fut sans conteste Jean-Marie Le Pen. Celui qui se considère toujours comme le Président d’honneur du Fn, après avoir fait référence à Brasillach, a pointé « le péril » qu’il avait été « le premier a dénoncé » ajoutant « nous avons vu clair avant tout le monde (… ). L’explosion démographique (est) le principal problème parce qu’il est mortel, c’est l’immigration massive, c’est elle qu’il faut bloquer avant même d’organiser la remigration. C’est cela, ou ce sera la disparition de notre peuple ». Jean-Marie Le Pen est un adepte du « Choc des civilisations » et du « grand remplacement » de Renaud Camus. Il est bon de rappeler que dès 1977, François Duprat avait mis en avant, lors des élections municipales le thème de l’immigration. La même année le Fn sort son affiche « 1 million de chômeurs c’est 1 million d’immigrés de trop ». En 1982, Jean-Pierre Stirbois prévenait les populations immigrées : « immigrés d’au-delà de la Méditerranée retournez à vos gourbis ». Lors de son intervention Jean-Marie Le Pen a salué le long combat du Fn et les difficultés qu’il a rencontrées face à « l’établissement » car il a fallu attendre les dernières élections législatives et sénatoriales pour que le mouvement obtienne un député (il s’agit donc bien de Marion-Maréchal Le Pen et c’est Gilbert Collard qui a dû apprécier) et deux sénateurs.

Tout ce petit monde se prépare pour les prochaines élections législatives. Roland Hélie a précisé qu’il ne devait pas y avoir concurrence dans les circonscriptions entre les candidats du « mouvement national ». Quant à Jean-Marie Le Pen, il a proposé aux futurs candidats qui le souhaitent son label « Comité Jeanne ».

Le matin, Roland Hélie, après la fermeture du « Local » dirigé par Serge Ayoub, a exposé le projet de création d’un espace pour tous les patriotes appelé « La Base ». Ce projet est également porté par Hugues Bouchu, responsable du groupuscule « La Ligue francilienne  » affiliée au Réseau identitaire. Hugues Bouchu a lancé un appel de fonds pour pouvoir mener à terme le « projet fédérateur pour les patriotes » suivi d’un appel à « la résistance ».

Tout le monde s’est congratulé avant de regagner ses pénates. À noter l’absence de Rivarol et de son directeur Jérôme Bourbon !

Cette Xe journée, comme les précédentes, ressemble plus à un regroupement de bras cassés qu’à la gestation d’un futur mouvement unitaire. Hors du Fn, il n’y a pas de place significative pour ces groupuscules dans l’espace politique français.

 



04/11/2016

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