« L’ennemi est incroyablement puissant et déterminé » (Marc Trévidic)
France Info – samedi 14 novembre 2015 18h45
Vice-président du TGI de Lille, Marc Trévidic a été pendant 10 ans juge d’instruction au pôle antiterroriste de Paris.
« Vu le degré de professionnalisme du groupe, la grande majorité est allée faire le djihad en Irak ou en Syrie »…
Il y a une différence essentielle avec les terroristes de Daech : « Avant (les autres terroristes) ne se faisaient jamais arrêter, ou rarement. Tandis que là, on a affaire à des gens qui viennent pour mourir. Donc ils n’ont même pas à prévoir leur fuite. Tout un réseau d’exfiltration qui est quelque chose de très compliqué dans un groupe terroriste. Donc ils ont ce grand avantage ».
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« Le problème, c’est qu’il faut arriver à le faire intelligemment. C’est-à-dire sans créer des vocations djihadistes dans le monde, sans que ça leur apporte une sympathie. Il faut faire attention aux populations civiles qui n’ont rien à voir là-dedans. Il faut le faire avec des mains propres. Pas n’importe comment. Parce que ça peut avoir un effet contraire. Donc il ne faut pas les montrer comme victimes dans ce qu’on est amenés à faire sur le terrain. C’est là que ça devient très compliqué ».
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Ne pas faire n’importe quoi… C’est dans cette catégorie qu’il range les propositions d’internement des personnes qui font l’objet d’un signalement pour radicalisation islamiste. « Si on fait des camps d’internement, ce n’est plus une démocratie. Vous allez arrêter pleins de gens qui n’avaient aucune envie de faire des attentats pour en empêcher un. Que vont penser ces jeunes radicalisés ? Ils vont se dire que ce que dit l’Etat islamique est vrai : l’Occident nous en veut, regardez, ils nous mettent en prison même si on n’a rien fait. Et après vous en faites des recrues futures pour l’Etat islamique. Il ne faut pas créer des terroristes quand ils sont simplement sur la corde. Maintenant, si le seul projet qu’on a, c’est de faire des Guantanamo, il ne fallait pas dire aux Américains qu’ils faisaient n’importe quoi ».
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Marc Trévidic, qui a recontré de nombreux djihadistes, a pu mesurer l’importance réelle de la motivation religieuse que tous mettent en avant : « Il n’y a que 10% de ce qui les motive qui est d’ordre religieux. Le reste est d’ordre personnel : aller voir du pays, en découdre, de se retrouver dans une communauté soudée, de se venger de la France. Il y a beaucoup de motivations. Et il y a un phare religieux qui ne représente que 10% de leur motivation. C’est un vernis. Qu’est-ce qui fait que quelqu’un devient un assassin et tue ? Il faut qu’il y ait une petite touche religieuse pour s’auto-légitimer. Mais à la base, ce sont des parcours individuels et des gens qui sont bien contents d’avoir ce phare religieux pour se livrer à des exactions ».