Recherche universitaire

Extrait d’une tribune parue dans Le Monde, fin oct’20

Dans la nuit du 28 au 29 octobre, l’examen au Sénat, en procédure accélérée, du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) a conduit à l’adoption de plusieurs amendements. L’un d’entre eux, l’amendement 234, soutenu par la sénatrice (LR) Laure Darcos, porte sur l’ajout d’une clause précisant que l’exercice des libertés académiques, et donc des activités d’enseignement et de recherche des universitaires, doit se faire « dans le respect des valeurs de la République ».
Précision imprécise, qui soulève immédiatement une série de questions. Quelles sont ces valeurs ? A qui appartient-il de les définir ? A quelle instance reviendra-t-il de vérifier que les universités ne profitent pas de ces libertés pour répandre le poison des idéologies anti-républicaines dans l’esprit de la jeunesse ? Et – question presque préjudicielle – cette précision est-elle nécessaire si la chose va de soi ?

Certains penseront sans doute que cet ajout, certes symbolique, est nécessaire pour réaffirmer l’unité de la République et de la Nation à l’heure où celles-ci sont assiégées par le fléau du terrorisme islamiste. Il est surtout symptomatique d’une défiance envers l’institution universitaire en tant que telle, et d’une conception étroitement politique qui confond la liberté d’esprit, condition nécessaire de l’objectivité du savoir, avec la liberté d’exprimer ses opinions personnelles sur les sujets de société – ce que la dérégulation des réseaux sociaux permet à tout un chacun de faire, même si les opinions très stéréotypées qu’on y peut lire sont en réalité beaucoup moins « personnelles » qu’on ne le pense.

Cet amendement est non seulement symptomatique d’une confusion élémentaire entre liberté d’esprit et liberté d’opinion, mais en inscrivant cette confusion dans le texte législatif qui reconnaît et accorde aux universités les libertés académiques, il les nie, en fait, bien plus qu’il ne les affirme.

Glissement sémantique
On ne peut comprendre l’esprit dans lequel cet amendement a été proposé sans revenir aux propos tenus le 18 juin par le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, devant la commission d’enquête du Sénat sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre. Le ministre était interpellé sur la présence de l’islamisme

 

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