Vigilance Isère Antifasciste

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Cartographie de l’extrême droite française (printemps 2018) - Par La Horde

Comme chaque année, nous mettons à jour notre cartographie de l’extrême droite française : nous attendions un peu le congrès du FN pour tenir compte d’un éventuel changement de nom, mais les choses traînent un peu en longueur… Alors on a mis les deux noms ! Pour le reste, il y a comme chaque année quelques disparus et quelques nouveaux venus. On s’excuse d’avance pour celles et ceux qui seront déçu(e)s de ne pas être sur la carte : il a fallu faire des choix, et il y a toujours des oublié(e)s. Pour les autres, on espère que cette nouvelle version de notre schéma vous sera utile pour vous y retrouver et combattre efficacement les idées de l’extrême droite, et celles et ceux qui les portent.

La Horde

 


 

1. LE RASSEMBLEMENT NATIONAL, ex-FRONT NATIONAL

Fondé en 1972 entre autres par les néofascistes d’Ordre nouveau, le Front National (FN) rassemblait au début des années 1980 différents courants de l’extrême droite, des plus traditionnels aux plus radicaux, sous l’autorité de son président Jean-Marie Le Pen. La scission de 1998 a affaibli le parti durant plusieurs années, jusqu’au congrès de Tours de 2010, où Marine Le Pen a succédé à son père avec la volonté affichée de s’affranchir des courants historiques du nationalisme français. Le FN a sous sa présidence joué les équilibristes entre une ligne nationale-républicaine incarnée par Florian Philippot, et un courant national-conservateur menée par Marion Maréchal-Le Pen. Ce «nouveau» FN a tenté de rassembler autour de lui des groupuscules souverainistes comme le SIEL dans l’espoir de fondre le FN dans le paysage. En réalité, il a surtout permis à des personnalités comme Robert Ménard de profiter du FN sans s’engager à ses côtés, et à des radicaux comme Philippe Vardon, l’ex-leader des Identitaires, de s’inviter dans un FN prétendument dédiabolisé (d’autant qu’on trouve, au plus près de Marine Le Pen, des anciens du GUD comme Axel Loustau ou Frédéric Chatillon qui n’ont rien renié de leurs  engagements de jeunesse). Arrivée au second tour de l’élection présidentielle de mai 2017, Marine Le Pen a déçu les attentes de son camp et le FN a connu depuis un an des troubles internes, avec le départ au lendemain de l’élection de celle qui se fait désormais appeler Marion Maréchal, et celui de Philippot en septembre dernier parti créer son propre mouvement, les Patriotes. Lors de son congrès de refondation, le Front national a changé de nom pour devenir le Rassemblement national.

 2. Les républicains

Une grande partie de la droite conservatrice s’est lancée depuis bien longtemps (comme le Parti socialiste du reste quand celui-ci se retrouve au pouvoir) dans une course à l’échalote avec l’extrême droite sur les questions liées à la sécurité, à l’immigration et à « l’identité française ». Depuis l’arrivée à sa tête de Laurent Wauquiez, le parti libéral-conservateur a pris un virage à droite encore plus net, appuyé par le travail en son sein de différents courants et autres think tanks comme Sens Commun, qui assure un lobbying ultra-conservateur ou Oser la France qui opère une politique de la main tendue en direction des petites formations «souverainistes».

 3. Les souverainistes

Le « souverainisme » est un cache-sexe du nationalisme qui s’est construit en opposition à l’Union européenne dans les années 1990, et dont l’un des pionniers est le Mouvement pour le France fondé par Philippe de Villiers. De nombreuses petites formations de ce courant tentent chacune de leur côté de fédérer les autres autour d’elle, et de créer des passerelles entre les partis nationalistes et les autres mouvements, de droite ou de gauche (le «souverainisme» de gauche étant lui aussi une réalité). Certains ont soutenu Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017, comme le CNIP ou Nicolas Dupont-Aignan, le président de Debout la France, mais sans donné suite à des accords électoraux. D’autres, comme les Patriotes de l’ex-numéro 2 du FN Florian Philippot rêvent d’un souverainisme des deux rives» Enfin, d’autres, comme l’UPR de François Asselineau, pimentent leur souverainisme d’une dose de complotisme.

 4. Les néoréactionnaires

Collectif réactionnaire soutenu par la droite catholique, la Manif pour Tous (LMPT) a organisé en 2012-2013 des manifestations massives contre le projet de loi sur le mariage homosexuel. Mobilisés sur le thème de la défense de la famille traditionnelle et de l’homophobie, ses militants étaient invités à privilégier l’entrisme. Si LMPT semble aujourd’hui s’être essoufflé, d’autres structures, plus discrètes, comme l’Avant-Garde, cherchent toujours à rassembler diverses tendances conservatrices pour faire du lobbying. Elles pouvent compter sur des sites ou des revues, comme l’Incorrect, et sur des chroniqueurs comme Eric Zemmour ou Elisabeth Levy, ou politique comme Jean-Frédéric Poisson, président du Parti Chrétien Démocrate, qui n’hésite pas à affiches ses positions anti-avortement.

 5. Les catholiques traditionnalistes

Les réseaux catholiques traditionnalistes sont denses, disposent de médias (le journal Présent, seul quotidien nationaliste ou Radio Courtoisie) et même d’une association contre la «christianophobie» et le «racisme anti-blanc», l’Agrif.

Avec comme mot d’ordre «Dieu, Famille, Patrie»,  Civitas en est la principale organisation d’agitation politique. Animé par Alain Escada, Civitas compte dans ses rangs Alexandre Gabriac, un ancien du FN et de l’Œuvre française (ouvertement pétainiste et aujourd’hui dissoute), qui anime sa branche jeune, France Jeunesse Civitas.

La lutte contre l’IVG est l’un des principaux combats politiques des catholiques traditionnalistes : les « Marches pour la vie » organisées chaque année rassemblent plusieurs milliers de personnes. Si les petits groupes qui prient devant les cliniques rassemblent des personnes âgées, des jeunes sont aussi parfois investis dans cette lutte, à l’instar des Survivants, apparus en 2016. La Fondation Lejeune, qui existe depuis 1996, associe un travail de recherche scientifique sur les maladies génétiques, et un engagement militant contre l’avortement.

 6. Les nostalgiques du FN à Papa

Ironie de l’histoire, Jean-Marie Le Pen, fondateur et président du FN pendant 40 ans a été depuis 2015 mis au ban du parti par sa propre fille. À près de 90 ans, difficile de lui donner un avenir politique, mais son charisme lui permet de jouer les vedettes au sein de l’extrême droite radicale et de rassembler quelques ex-frontistes au sein des Comités Jeanne.

Fondé en 2009 par Carl Lang, ancien n°2 du FN, le Parti de la France tente d’incarner ce qu’était le Front des années 1980, c’est-à-dire une structure institutionnelle regroupant toutes les tendances de la mouvance nationaliste, y compris les plus radicales. Allié aux Comités Jeanne, ses résultats électoraux restent insignifiants, et sa composition militante, allant de notables d’extrême droite aux skinheads, a tout de l’auberge espagnole.

Synthèse Nationale (SN) est une revue dirigée par Roland Hélie, dont la ligne éditoriale est « pas d’ennemi à l’extrême droite ». Tous les ans, SN organise une «Journée nationale et identitaire», qui a regroupé l’an passé, entre autres, Jean Marie Le Pen, Alain Escada, Carl Lang, Steven Bissuel, Richard Roudier et Serge Ayoub

De son côté, la Ligue du Sud a été créée en 2005 avec les Identitaires et des anciens du FN par l’actuel maire d’Orange, Jacques Bompard, ancien membre fondateur  du FN, et élu maire en 1995 sous cette étiquette. La Ligue du Sud se caractérise par son implantation locale, sa fidélité à des positions radicales et une indépendance assumée à l’égard du FN.

 7. Les groupuscules radicaux

Né à la fin du XIXe siècle, l’Action française (AF) est le plus vieux mouvement nationaliste en activité. Mouvement royaliste autrefois école de formation d’extrême droite, l’AF, présidé par S. Blanchonnet, organise toujours des rassemblements ou des débats, mais depuis un an environ, se signale aussi par quelques actions « coup de poing », attirant à lui une nouvelle génération de militants.

Le GUD n’existe plus qu’à Paris où l’activité des gudards se résume à des collages de stickers et quelques conférences. À Lyon en revanche, le GUD mené par Steven Bissuel est devenu en mai 2017 le Bastion social, une pâle imitation de la Casapound italienne. En occupant durant deux semaines un lieu où il prétendait aider les « Français de souche », le Bastion Social s’est fait de la publicité sans véritablement n’aider personne. Depuis, d’autres lieux se sont ouverts sous ce nom à Strasbourg, Chambéry, Aix en Provence ou Marseille, servant de lieu de réunion plutôt que de lieu d’accueil « social ».

Les Identitaires tentent depuis leur création en 2002 de se démarquer de l’extrême droite traditionnelle. Sans référence idéologique, ils ont misé sur la communication et Internet. Génération identitaire, sa structure jeune, est ainsi mise en avant lorsqu’il veut faire le buzz. Mais les Identitaires ne sont pas arrivés à se créer un espace politique distinct : le départ au FN de Philippe Vardon,  son principal leader, a affaibli sa position.

D’autres groupuscules encore plus confidentiels se revendiquent ouvertement du fascisme historique. C’est le cas du Parti Nationaliste Français (PNF) qui s’inscrit dans la continuité l’Œuvre française dissoute à l’été 2013, proche des nostalgiques de Vichy ou de l’Algérie française. Il est aujourd’hui quasiment inexistant. Dans la même veine, on peut également par charité citer la Dissidence française de Vincent Vauclin.

 8. Les skinheads d’extrême droite

S’il n’existe pas d’organisation skinhead fédérant tous les groupes au niveau national, il existe des bandes informelles locales, qui pour la plupart ont une durée de vie très limitée, mais qui se font remarquer par leur activisme violent. Depuis la dissolution en 2013 des JNR et de Troisième Voie de Serge Ayoub (qui s’est recyclé depuis en fondant un club de bikers les Black 7 France), les skins d’extrême droite se sont de nouveau éparpillés dans la nature. Pour les distraire, certains comme Pride France (qui organise des tournois clandestins de free fight) ou d’autres organisent des concerts néonazis, dont l’objectif est cependant autant mercantile que véritablement militant.

 9. L’extrême droite sur internet

Ancien du GRECE et du Club de l’Horloge, Jean-Yves Le Gallou a quitté le FN au moment de la scission, avant de créer en 2003 un think tank d’extrême droite, Polémia, qui prétend faire la promotion de la « réinformation », qui consiste à redonner aux thèses d’extrême droite une certaine visibilité dans l’espace médiatique, en développant en particulier ses propres médias.

Prétextant une information « plurielle » et la volonté de se démarquer des médias « officiels », des sites comme Breizh Info ou Lengadoc info se sont spécialisées dans les tribunes offertes à l’extrême droite. Loin d’offrir une information honnête, elles ne font que relayer ses contre-vérités racistes et sexistes. Certains sont sans conteste ancré à l’extrême droite (comme Méridien Zéro ou TV Libertés) tandis que d’autres adoptent une stratégie confusionniste plus ou moins volontaire.

Créé en 2007, Riposte laïque exprime son islamophobie obsessionnelle sur son site et offre un tribune à de nombreux militants nationalistes aussi isolés qu’eux, comme Richard Roudier de la Ligue du Midi.

Fondé par Alain Soral en 2007, Égalité & Réconciliation avait à l’origine comme ambition de regrouper nationalistes de droite et patriotes de gauche. Mais depuis, E&R n’est plus que le fan-club de Soral, qui se caractérise par un antiféminisme et un antisémitisme virulents. Le négationnisme peut en tout cas remercier E&R et Dieudonné qui auront contribué à faire connaitre ses thèses délirantes : ainsi, Robert Faurisson est devenu une « vedette » chez les « dissidents », et  Vincent Reynouard a pu étendre son auditoire.

Dans le sillage d’E&R, qui a mis le pied à l’étrier à certains d’entre eux, divers individus, comme Daniel Conversano ou Ismail Ouslimani alias Raptor Dissident, se sont fait un nom sur Internet à travers des vidéos dans lesquelles ils exhibent leurs racisme, leur sexisme ou leur amour du nazisme en toute décontraction.  De vieux briscards comme Henri de Lesquen, devenu dans un premier temps malgré lui une icône geek, peuvent parfois faire ainsi un come-back à moindre frais. Cet activisme virtuel, qui consiste principalement à s’inviter les uns les autres pour dire toujours la même chose, peut donner l’illusion d’une communauté soudée : mais l’égocentrisme de ces « stars » éphémères débouche davantage sur des embrouilles et des « clashs » que de véritables projets politiques.

La Horde

 



25/09/2018

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