Vigilance Isère Antifasciste

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Les liaisons inavouables de Cahuzac avec l'extrême droite (par Le Monde)

Voir aussi, sur le passé et le présent du GUD : Cahuzac, Le Pen et le GUD, ce groupuscule radical aux fréquentations pragmatiques (par Nicolas Lebourg) 

 

Le Monde, 4 avril 2013 :

Les liaisons inavouables de Cahuzac avec l'extrême droite 

 

Philippe Péninque (à gauche), lors d'une visite de Marine Le Pen, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le 5avril 2007.
 

 

 Phillippe Péninque, (à gauche) lors d'une visite de Marine Le Pen à Aulnay-sous-bois, en 2007

 

C'est la surprise dans la surprise. Le 2 avril, Jérôme Cahuzac a été mis en examen pour "blanchiment de fraude fiscale" par les juges devant lesquels il a reconnu avoir détenu un compte à l'étranger. "Ce compte n'a pas été abondé depuis 2001 et l'essentiel de ses revenus provenait de son activité de chirurgien et accessoirement de son activité de consultant", a déclaré le nouvel avocat de M. Cahuzac, Me Jean Veil. Selon les informations du Monde, les choses sont pourtant moins simples.

Lire aussi : Marine Le Pen en porte-à-faux dans sa croisade contre les affaires 

C'est par une figure de la droite extrême, Philippe Péninque, proche conseiller de Marine Le Pen, que le compte de Jérôme Cahuzac a été ouvert en 1992, a révélé mercredi 3 avril Le Monde : des microfilms de la banque UBS en attestent. Ce n'est qu'en 1993 que ce compte a été récupéré en nom propre par l'ancien ministre, via la société financière Reyl & Cie, basée à Genève, qui ne possédait alors pas de licence bancaire. Plus tard, en 2009, le compte aurait été transféré à Singapour dans la filiale locale de la banque helvétique Julius Baer. Le compte était alors toujours sous gestion de la société Reyl.

Mieux : l'argent proviendrait d'au moins deux placements dans des mines d'argent du Pérou, au début des années 1990, via une SCI, La Rumine, créée en 1998 par d'anciens militants du GUD, une organisation étudiante d'extrême droite musclée, que fréquentait à l'époque le couple Cahuzac.

 

UNE HISTOIRE DE FAMILLE 

"Penser que je pourrais éviter d'affronter un passé que je voulais considérer comme révolu était une faute inqualifiable", a glissé au détour de sa lettre d'excuses l'ancien ministre du budget, mardi. Ce passé, ce n'est pas seulement celui d'un chirurgien devenu député puis ministre – homme politique. Car si l'histoire du compte non déclaré de Jérôme Cahuzac est un lourd secret, c'est aussi parce qu'elle ressuscite une histoire de famille inavouable. Celle d'un chirurgien qui épouse une jeune fille de bonne famille, Patricia, qui l'entraîne, dans ces années 1980 et 1990, à fréquenter une petite bande issue du GUD d'Assas – "la fac des assassins" – qui dix ans plus tôt, faisait trembler Paris.

Il y a là Lionel Queudot, un gestionnaire de fortune qui passe beaucoup de temps à Genève, l'homme qui créera en 1998, avec son épouse Isabelle, la SCI La Rumine. Il y a aussi Benoît André, dit "Petit Benoît", alors gendre de Jacques Lafleur, le chef des anti-indépendantistes calédoniens. Et encore l'avocat parisien Jean-Pierre Emié, dont la femme, Dorothée, est la cousine de Patricia Cahuzac. Au milieu des années 1970, celles des bagarres avec l'extrême gauche et aussi des ratonnades, on appelait Emié "Johnny le Boxeur". Ses études de droit achevées, Jean-Pierre Emié s'installe rue Marbeuf, dans le 8e arrondissement de Paris avec un associé qui vient comme lui du GUD : Philippe Péninque. L'homme qui a ouvert le compte de Jérôme Cahuzac à l'UBS en 1992.

Philippe Péninque ? Etudiant, il consacra son mémoire de Sciences Po à l'extrême droite extraparlementaire, intitulé "La politique à coups de poing". Aujourd'hui avocat "omis" (il a décidé lui-même de suspendre ses activités au barreau), il se consacre plus que jamais, à 60 ans, à ses affaires. Et joue le rôle de conseiller auprès de Marine Le Pen, sa "grande amie", comme il le dit lui-même. Discret, il n'apparaît sur aucun organigramme officiel du FN. On le voit très peu au siège du parti à Nanterre. C'est en revanche un familier de Montretout, la résidence de Marine Le Pen à Saint-Cloud. Et le "parrain" d'une fratrie qui gravite autour de la présidente du FN, dans l'un des cercles lesplus fermés et les plus rapprochés.

 

BANDE VIRILE, UNIVERS CLOS 

Dans les années 1990, la petite bande d'anciens du GUD se retrouve régulièrement autour d'un golf, à Garches, dans les Hauts-de-Seine, ou à La Baule, en Loire-Atlantique. Ou encore dans la jolie maison du cap Benat, près du Lavandou, dans le Var, chez le couple Emié. Jérôme Cahuzac se met à la boxe et au vélo, comme ses amis. On voit souvent le chirurgien déjeuner avec eux chez André, l'Ami Pierre ou autour de pasta, chez l'italien Romano, au pied du cabinet de l'avocat, proche de sa clinique. Mariages, anniversaires, baptêmes, "tout cela forme une petite fratrie très familiale", racontait un proche.

Avec ses amis Emié et Péninque, Jérôme Cahuzac fraye alors avec ces anciens militants d'extrême droite radicale reconvertis dans le "GUD business". Une bande virile, un univers clos, où ne fait des affaires que dans l'entre-soi. Les entreprises s'imbriquent telles des poupées gigogne. Les prises de participation se font entre amis, parfois avec des prête-noms, d'autant que les avocats-conseils sont eux-mêmes d'anciens du GUD, comme Emié et Péninque.

Les deux hommes jouent les "rabatteurs". Le premier adresse des clients au spécialiste des implants capillaires. Pour rire, ces hommes qui aujourd'hui portent beau leurs "bananes" et autres crinières d'argent soigneusement travaillées dans la clinique Cahuzac, s'appellent entre eux "le gang des implants". Grand manitou des activités du clan, Philippe Péninque s'occupe, lui, des placements et en fait profiter ses amis.

 

SOCIÉTÉS DOMICILIÉES À L'ÉTRANGER 

C'est ensemble que cette petite bande décide d'investir dans des mines d'argent au Pérou par le biais de la SCI La Rumine, fondée par Lionel Queudot et sa femme. Ce dernier a expliqué à ses amis qu'il y avait de l'argent à faire, "dix à quinze fois la mise". Trois opérations sont réalisées, dont la dernière vire au fiasco. Le gouvernement péruvien en a assez que ces sociétés domiciliées à l'étranger se fassent de l'argent sur le sous-sol du pays. Il met le holà, les cours s'effondrent. Plusieurs investisseurs perdent sèchement leur mise. Jérôme Cahuzac, lui, a déjà une petite aura. Il fera partie, comme Jacques Lafleur, des clients chanceux qui auraient été remboursés par Lionel Queudot, expliquait il y a quelques jours au Monde un financier, assurant que "l'argent allait ensuite sur un compte UBS". 

On a, depuis, beaucoup entendu parler de Lionel Queudot, en raison notamment du rôle qu'il a joué dans la délivrance en 1998, d'un vrai-faux passeport à Alfred Sirven, l'ancien "numéro deux" de la société pétrolière Elf. Curieusement, de l'argent de M. Sirven avait transité sur certains comptes de M. Queudot, découvrent à l'époque le juge genevois Paul Perraudin et son homologue parisien Renaud Van Ruymbeke. Celui-là même qui, aujourd'hui, est chargé de l'"affaire Cahuzac".

 

PÉNINQUE, L'HOMME DES MISSIONS SPÉCIALES DU FN 

Aujourd'hui, Lionel Queudot a disparu des écrans radars de ses amis. Philippe Péninque, lui, est l'homme des missions spéciales du clan Le Pen. Au lendemain des scrutins de 2007, c'est lui, par exemple, qui a pris en main le délicat dossier de la restructuration financière du FN, mis sur la paille après de calamiteux résultats aux législatives. Ce qui lui a valu d'être décoré de la "flamme d'honneur" – une distinction interne au parti d'extrême droite – des propres mains de Jean-Marie Le Pen lui-même, en janvier 2011, à Tours, lors du congrès qui a sacré sa fille.

Entre la nouvelle présidente du FN et l'homme qui a ouvert le compte de Jérôme Cahuzac, les relations sont anciennes. C'est elle d'ailleurs qui le fait venir au FN, dans son sillage, à la veille de la présidentielle de 2007. Au milieu des années 90, lorsque cette dernière était jeune avocate et que lui plaidait encore, ils avaient défendu, ensemble, avec Jean-Pierre Emié, six membres du GUD poursuivis à la suite de l'occupation sauvage accompagnée de voies de fait des locaux de Fun Radio.

Sans doute, Philippe Péninque qui n'aime rien plus que le secret et l'ombre, se serait bien passé de ce coup de projecteur imprévu. Il ne nie pas néanmoins ses relations amicales avec Jérôme Cahuzac. Pas davantage de lui avoir ouvert un compte. "Jérôme Cahuzac avait besoin d'un compte, je l'ai aidé à l'ouvrir", dit-il au Monde.

Les frères Tiozzo ont aussi profité des conseils fiscaux  
Rien ne disposait les avocats Philippe Péninque et Jean-Pierre Emié à croiser le chemin des frères Tiozzo, boxeurs professionnels. Rien, si ce n'est un troisième ancien du GUD, Jean-Christophe Courrèges, agent sportif. C'est lui qui présente Christophe Tiozzo à M.Péninque.
Voici le récit de Franck Tiozzo, le grand frère de Christophe, relaté dans le livre des journalistes du Monde Abel Mestre et Caroline Monnot intitulé Le Système Le Pen (Denoël, 2011) : "L'idée nouvelle de la boxe qu'avait Courrèges plaisait bien à Christophe : il lui disait qu'il pouvait amener des sponsors, organiser ses combats, créer des sociétés pour payer moins d'impôts... Gérer tout ça autrement. A l'époque, les boxeurs étaient imposés à 70 % sur leurs gains, comme les artistes." 
Pour payer moins d'impôts, il suffit de créer des sociétés imbriquées les unes dans les autres, pour faire de "l'optimisation fiscale". "Courrèges a dit à Christophe qu'il avait un copain avocat qui allait gérer ses gains", continue Franck Tiozzo. Cet avocat, "c'est Philippe Péninque". Des sociétés sont ainsi créées en Suisse, au Panama ou encore aux Etats-Unis, où l'argent gagné par Christophe Tiozzo y est réinvesti.


07/04/2013

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