Agression islamophobe à Nîmes et escalade dans la violence et le racisme de l'extrême-droite
Le choc au matin du 31 octobre, pour Abdallah Zekri. Les murs de sa maison à Nîmes sont maculés de croix gammées et tags : "Arabes dehors" , "Islam dehors", "SS", "Heil Hitler".
Cet acte odieux survient dans une escalade de l'extrême-droite, où l'on a vu, entre autres, des incitations à "l'action directe", des agressions et menaces ciblées directement contre des personnes...
Octobre 2013, à Nîmes, devant le domicile d'Abdallah Zekri
La cible : un musulman engagé contre le racisme
Abdallah Zekri n'est pas un inconnu, ses engagements en font une cible pour la haine des extrême-droites. Aumônier musulman des hôpitaux, il est décrit à Nîmes comme une "personnalité musulmane qui travaille à une bonne entente interreligieuse dans notre ville." A. Zekri est aussi un représentant du CFCM ( Conseil Français du Culte Musulman) et de plus, il anime un "Observatoire de l'islamophobie".
Durant un temps, il avait été séduit par les appels de Nicolas Sarkozy en direction d'organismes musulmans. Mais en mars 2011, il avait déchiré avec fracas sa carte de l'UMP, indigné par les tentatives de "Débat sur l'Identité nationale" lancées par l'ex-Président de la République. Son geste était associé à celui d'Abderahmane Dahmane, conseiller technique chargé de la diversité à l’Elysée et ancien secrétaire national chargé de l’immigration à l’UMP, qui appelait les musulmans à quitter le parti : "L’UMP, (...), c’est la peste pour les musulmans" (voir Respect Mag) . A. Zekri s'était aussi vigoureusement élevé contre JF Copé et ses histoires de vol de pain au chocolat pour cause de ramadan (ici : Saphir News )
En avril 2013, inquiet du cyber-racisme, de l'accentuation des propos et actes racistes à l'encontre des personnes et lieux réputés "musulmans", il a rencontré une conseillère du Président Hollande : "Je réitère mon appel à François Hollande pour qu'il prenne des mesures afin d'éviter la montée des actes islamophobes. Le président doit fait une déclaration dans le sens de la lutte contre l'antisémitisme, l'islamophobie, pour en faire une grande cause nationale. " Des inquiétudes, un appel qu'avait également exprimés la présidente de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH), voir ici .
"C'est ça la France décomplexée ? "
Choqué mais déterminé, Monsieur Zekri a eu des mots forts.
Décidé à continuer son combat contre le racisme, Adbdallah Zekri a estimé "que le climat actuel" et notamment ceux qui "parlent d'une "droite décomplexée" et "surfent sur les thèses du Front National amènent à ce genre de dérive". "Je ne peux qu'exprimer mon dégoût et mon mépris à l'égard des nazillons. Il est désolant de voir qu'au 21ème siècle, on continue de faire l'éloge du nazisme, ce qui prouve que la bête immonde est toujours là", a souligné le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie ( sur le site Fait Religieux)
"Avant chaque période électorale, il y a de la surenchère, comme M. Copé qui veut une France décomplexée. On peut tout dire ? On peut tout faire ?"
"Ces nazillons ont écrit <<les Arabes dehors!>>, mais ils oublient, en bons collabos qu'ils sont, que les arabes ont participé à la libération de la France, durant les deux guerres"
Le Front National tente de se démarquer
Très vite, à Nîmes, des réactions de soutien se sont exprimées, venues de tous les bords politiques, voir Le Midi-Libre, 31 octobre 2013, demandant aussi que des moyens soient mis en oeuvre pour retrouver les auteurs.
Le Front National du Gard s'est senti obligé d'écrire qu'il "condamne avec fermeté" ces tags. Une nécessité locale et électorale pour le FN, qui n'abusera personne.
Le fonds de commerce du parti-vitrine de l'extrême-droite, c'est l'exploitation du racisme, qui affleure dans son programme, comme dans sa "pensée" profonde. On a vu de nouveau ce racisme profond parmi les supporters de Marine Le Pen, avec l'assimilation de Ch. Taubira à un singe, avec les insinuations sur les origines "judaïques" de JF Copé, nommé chez les frontistes "Copédovici" (voir ici, Mémorial 98), etc...
La présidente du FN elle-même, en "digne" héritière de son père, est loin de toujours lisser sa parole publique, banalisant elle aussi le nazisme et encourageant à la haine des musulmans, avec ses déclarations sur les quelques cas de prières dans la rue décrits comme une nouvelle "Occupation". On n'insistera pas non plus sur les sous-entendus de Le Pen-fille au sujet de "l'allure étrange" des otages d'Arlit et leur l'islamisation sous-jacente ...
Menaces et agressions, jusqu'aux domiciles
Monsieur Zekri avait déjà reçu des menaces. Les tags et menaces de ce genre contre des salles de prière ou tout lieu étiqueté "musulman" sont innombrables. Mais à la connaissance de Monsieur Zekri, c'est la première fois qu'un responsable musulman essuie une telle agression, ciblée sur sa personne et sur son domicile.
Effectivement un pas de plus a été franchi. S'en prendre directement aux personnes, engagées d'une façon ou d'une autre contre le racisme et la haine, commence à devenir une pratique usuelle des extrêmes-droites.
En septembre, une jeune militante du Front de Gauche, était menacée de viol collectif sur les réseaux sociaux du Web, photos personnelles et familales à l'appui, en représailles à sa participation à une manifestation contres les idées du Front National à Marseille (ici, article de ELLE )
En octobre, à la sortie de leur domicile, c'était deux étudiantes parisiennes, membres de l'UNEF, qui ont été successivement menacées et agressées physiquement, la motivation d'extrême-droite de ces actes étant clairement revendiquée par le / les auteurs. ( voir ici ) MISE A JOUR, 4/11/13, 14h3O: on sait à présent que la seconde agression a été inventée par l'étudiante. Mais comme le révélait Le Monde, il circule bel et bien dans certaines facs des textes titrés "Tuons tous les gauchistes", transformés ensuite en "Tuons tous les gauchismes" (voir ici)En Octobre encore, à Besançon, un étudiant antiraciste était l'objet de deux guet-apens successifs, tendus des individus d'extrême-droite, armés de matraques ( voir ici)
Et que dire du climat installé par l'extrême-droite à Lyon, par exemple, où il ne fait pas toujours bon circuler le soir, surtout quand on a une apparence qui ne convient pas aux néofascistes ? ( par ex., encore en octobre, l'agression gratuite d'une jeune fille africaine, par des membres du GUD , voir ici , ..., par ex. l'agression en septembre contre une MJC qui organisait une soirée poétique contre la haine, voir ici, ...)
"L'action directe" de l'extrême-droite se développe aussi dans l'escalade et le libre cours donné aux paroles racistes les plus ignobles : les insultes à répétition contre Christine Taubira sont une manifestation très visible de cette montée nauséabonde, tandis que le racisme quotidien, subi par des personnes anonymes, s'amplifie aussi (voir ces témoignages, suite à une intervention policière à Garges-les-gonesses )
Dans l'extrême-droite, des appels à "l'action directe"
Durant le premier semestre 2013, on avait déjà vu, dans le sillage des manifs droites / extrême-droites contre la loi Taubira sur le mariage, de nombreuses actions et menaces visant directement des personnes, des élus, à leur domicile, dans leurs déplacements privés, des adresses personnelles de journalistes diffusées au cours d'une manifestation du Front National .
A la même époque que ce "Printemps français", une série de menaces de mort avaient été adressées à des juges, des personnalités juives, des journalistes , signées et médiatisées par un groupe anonyme qui se baptisait "IFO - Interaction des Forces de l'Ordre" (voir France-Info).
Tout récemment, c'est Ras L' Front- Rouen qui recevait des menaces (ici) , ou le Parti de Gauche qui voyait son local à Toulouse dégradé, avec la signature de groupes fascistes pourtant dissous en juillet par décision gouvernementale et judiciaire (ici)
Les leaders de deux ces groupes officiellement interdits depuis juillet, l'Oeuvre Française / Jeunesses Nationalistes, ont pourtant encore accès aux médias (ici), peuvent encore tenir des réunions dans diverses villes pour continuer à recruter des troupes (voir Canal Plus). En Lorraine, on s'inquiète que ces mouvements puissent encore impunément diffuser des incitations à la haine raciale, à l'antisémitisme ( voir Républicain Lorrain), tandis que par exemple, à Toulon, le site des Jeunesses Nationalistes existe toujours, avec ses habituelles apologies des criminels de l'OAS, ses publicités pour l'antisémitisme le plus débridé, sa violente islamophobie...
Autre scandale : Alexandre Gabriac, le chef de ces "Jeunesses Nationalistes", qui avait été élu sur une liste Front National, a toujours son siège au Conseil Régional de Rhône-Alpes, et perçoit encore ses indemnités , bien que ses exactions et incitations à la violence aient été reconnues par les juges du Conseil d'Etat, et malgré ce nouvel appel à l'action violente. ( A l'heure où cet article est publié, le montant des indemnités perçues par Gabriac n'est pas connu .... mais on sait que les élus du Conseil Rhône-Alpes perçoivent en moyenne 35 000 euros par an.)
Une nouvelle incitation à la haine raciste en préparation, à Amiens
A présent, c'est en prenant le prétexte d'un projet d'agrandissement de mosquée à Amiens que ces groupes fascistes comptent faire du "buzz" : ils prévoient une manifestation le 16 novembre , "d'ampleur nationale" prétendent-ils, sur le terrain de cette future mosquée, en plein Quartiers-Nord d'Amiens.
Cette manifestation-là est officiellement organisée par le "Parti de la France" (une scission du Front National) qui a des relations très amicales avec les "dissous" des Jeunesses Nationalistes - Oeuvre Française. .
A l'heure actuelle, le 3/11/ 2013, la Préfecture n'a pas encore pris de mesure d'interdiction, tandis qu' à Amiens, il se dit qu'on attend de pied ferme les provocateurs de haine ...
En plus du choix du lieu, la manifestation est annoncée avec des mots d'ordre provocateurs à souhait : "la France aux français", "Contre l'islamisation" "Contre la colonisation migratoire" .
Thomas Joly, le leader local de ce "Parti" explique benoitement au micro de France-Bleu que "les français" doivent avoir le droit de manifester dans "les quartiers colonisés d'Amiens-Nord" .
Les néofascistes ne sont guère embarrassés par les contradictions : pour dénoncer cette prétendue "colonisation'' que subirait notre pays, pour dénoncer les "colons" contre lesquels il serait légitime de s'insurger, ils ciblent une mosquée qui est appelée communément à Amiens "la mosquée des harkis", ces harkis que l'armée française avait utilisés comme auxiliaires dans sa guerre coloniale en Algérie...
A Amiens, on avait déjà vu les effets de cette propagande de haine contre l'étranger, contre le non-conforme : en mai 2012, en pleine campagne présidentielle, deux personnages âgées étaient agressées sur le chemin de la mosquée, par des néofascistes (voir ici)
Octobre 2012, à Beauvais, "Jeunesses Nationalistes", "Oeuvre Française" et "Parti de la France" devant une future salle de prières. En complément des "On est chez nous!" , des "la France aux français !", un appel à la violence directe.
(*) Si le préfet de la Somme avait interdit la provocation raciste d'octobre 2012 à Amiens, c'est très probablement suite à la vigilance exercée précédemment par les antiracistes et antifascistes, suite à leurs mises en garde.
En effet, quelques jours auparavant, la Préfecture de Police à Paris, après de longs atermoiements, avait pris in-extremis une mesure d'interdiction de la manifestation que tentaient les Jeunesses Nationalistes à Paris. On avait -tardivement- compris que derrière des slogans comme "Maîtres chez nous", ces groupes fascistes cherchaient à se développer, cherchaient à importer en France les méthodes des néonazis grecs d'Aube Dorée (voir ici)
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